Un bonnet d’âne sans surprises … la solution favorite de Jean-Paul Brighelli tourne à la méthode Coué
23/06/2010
Pour ce qui est d'une analyse complète du système scolaire, j'ai du rater chez Brighelli son analyse de l'affaire KERVIEL...En attendant, contentons-nous de cette nième satire du quotidien
23 juin 2010
Footballistiques
http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2010/06/23/footba...
Ainsi donc, l’équipe de France a perdu, et rentre à la maison. Au-delà de la première humeur, qui consiste à trouver grotesque ce feuilleton de quinze jours tissé de prétention, d’irrespect et d’incompétence sportive, à bien y réfléchir, on n’a guère envie de rire. Parce que ce qui suinte de ces trente morveux empreints de morgue, c’est le constat accablant d’une faillite — la nôtre.
J’écris : « l’équipe de France » et non « la France », comme dans un quelconque quotidien sportif. Pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit : un pays en faillite intellectuelle et morale a envoyé en Afrique du Sud une équipe à son image. Des autistes enfermés derrière des écouteurs, afin de se protéger de tout discours de bon sens. Des milliardaires qui considèrent que l’argent qu’ils gagnent leur confère une vraie valeur — et qui confondent, comme tant de gens qui prennent exemple au sommet du pouvoir, l’être et l’avoir. Des enfants gâtés, experts en bouderies. De petits caïds qui pensent que leur loi est la bonne, et réclament à grands cris l'élimination du "traître" qui a dénoncé leurs règlements de comptes sous la douche. Des analphabètes qui font lire leurs déclarations par leur entraîneur. Des mal élevés, pour qui l’insulte remplace le raisonnement — et, de temps en temps, le coup de boule. Dès 2006, nous étions au parfum.
Cela ne vous rappelle rien ? En haut, ce sont ces élites politiques calfeutrées derrière leur Rolex (ou leur Patek Philippe, l’effet est le même dès qu’on se met en tête de montrer sa montre ou de la tripoter à tout bout de champ (1)). En bas, ce sont les petites frappes de banlieue, dont la réussite sociale se mesure au nombre de décibels de la sono embarquée à bord de leur BMW : faire du bruit permet peut-être de camoufler le grand silence intérieur.
Ces joueurs ont entre 20 et 30 ans. Ils sortent d’un système scolaire qui a failli, lui aussi — failli à leur enseigner les rudiments d’une culture, les rudiments d’une langue, les rudiments d’une civilisation. Les Huns sont de retour.
Nous le savions déjà. La triche élevée au rang d’un art, j’en avais parlé déjà, en novembre dernier, pour signaler tout ce qui, dans le foot, était emblématique d’un malaise (2). Mais c’est bien un défaut de civilisation qu’il faut évoquer désormais. Ce n’est pas une équipe qui a été envoyée en Afrique du Sud, ce sont trente barbares.
Moins un, peut-être. Au milieu de ces va-de-la-gueule s’était apparemment infiltré un bon élève, qui a été traité comme tel par ses petits camarades. Un garçon issu d’un autre milieu, dont le père fut prof de maths avant d’être entraîneur. Qui sort avec la fille de Villepin, au lieu de se taper une radasse décolorée — Ribéry serait-il du genre à croire qu’une pipe est meilleure en diamants qu’en bruyère ? Bref, Yohann Gourcuff ne se contente pas d’avoir une belle gueule et de bien jouer : il parle français. Performance inexcusable, apprend-on de diverses sources (3). Déjà, il y a deux mois, Natacha Polony racontait sur son blog ce qui arrive aux bons élèves — pardon : je voulais dire : aux sales intellos (4). Le quotidien des collèges s'est étalé sur les satdes du Mondial. Le monde entier en rigole encore. Le pays des droits de l'homme est devenu celui du droit des voyous. À qui la faute ?
Non, non, je ne vais pas inculper une énième fois le pédagogisme : il est juste cohérent avec notre culture de l’inculture, pour reprendre la belle expression de Catherine Kintzler (5), qui ajoute : « La culture de l'inculture, la célébration de l'incivilité commencent à l'école, elles commencent quand on punit un professeur pour avoir giflé un élève insolent ou brutal, quand on tolère que la mode soit aux fautes d'orthographe et que l'ignorance devienne une « manière d'être » qu'il ne faut surtout pas « stigmatiser », quand on tolère que les cancres martyrisent les bons élèves. Alors commence le règne des petits caïds. »
Allons un tout petit peu plus loin. Le déni d’école, cette volonté de ne pas transmettre, depuis une bonne trentaine d’années, ce qui a construit notre civilisation, sont à l’unisson d’une époque qui a fait de l’argent le dieu suprême, et de la faillite bancaire une image de la damnation. Que des gens prétendument de gauche — c’est la cas de la quasi totalité des « pédagos » — ne le comprennent pas est, en soi, le symptôme d’un malaise bien plus profond qu’on ne l’imaginait. On pouvait tolérer encore qu’une horde de footballeurs professionnels se comporte comme une harde de jean-foutre. Mais que des enseignants aient pu trouver bon, au nom de la liberté d’expression (« Va te faire enculer, sale fils de pute » — ça, c’est de la spontanéité…), de lâcher les rênes, là, vraiment, nous avons touché le fond.
Je ne sais pas qui se lancera finalement dans la bataille électorale de 2012. J’espère juste que ce seront des femmes ou des hommes qui ont à cœur d’opérer un vrai redressement intellectuel, et d’en finir avec la faillite des mots et des idées. Des femmes ou des hommes qui, pour paraphraser le cardinal de Retz, seront autre chose que des zéros qui ne multiplient que parce qu’ils sont des chefs de parti.
Jean-Paul Brighelli
(1) Voir http://www.dailymotion.com/video/x5z0to_sarkozy-et-sa-pat... Pour la petite histoire, selon des sources bien informées, la montre en question est une Patek Philippe 3940G, vendue 45.680 euros dans le commerce. Offerte par Carla Bruni à son quasi époux lors d’un voyage en Egypte — au moment où celui-ci venait de lui acheter un Cupidon, une bague de Dior Joaillerie — Cécilia Sarkozy portait la même en 2007 (http://www.agoravox.tv/culture-loisirs/people/article/bag...) Ça me rappelle ce roman sublime de Georges Rodenbach, Bruges-la-morte, où un veuf se déniche une nouvelle compagne qu’il transforme peu à peu en son ex-femme.
(2)http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2009/11/20/du-foo...
(3) http://carnet.causeur.fr/antidote/bien-eleve-dehors,00669
(4) http://blog.lefigaro.fr/education/2010/03/sale-intello.html
(5) http://www.mezetulle.over-blog.com/article-foot-fran-ais-...
05:24 Commentaires (11)
Commentaires sélectionnés
Mieux embouchés, Maradona et consorts ?
http://fr.sports.yahoo.com/22062010/10/l-argentine-bien-t...
Ecrit par : nicolas | 23 juin 2010
Si seulement ce barnum qui émeut la France entière pouvait ouvrir le débat ...
Entendu hier soir sur une télé d'info dans un "débat" (?) consacré au football en substance : "Le point de rupture dans l'équipe n'est pas ethnique, ou religieux. Il se situe entre ceux qui sont bien éduqués et les autres" J'en suis encore tout ému !
C'est une sorte de papy avec l'accent du midi qui disait ça (les spécialistes le reconnaîtront). Les autres commentateurs ont mis quelques minutes à comprendre mais ont fini par être d'ac'.
Ecrit par : Zorglub | 23 juin 2010
Finky l'autre matin sur France-Inter, mieux inspiré par le football que par Israël :
http://www.dailymotion.com/video/xdrfkc_crise-du-football...
Ecrit par : Françoise Guichard | 23 juin 2010
Votre analyse est pointue. Il faut néanmoins y ajouter un élément gigantissime: L'ARGENT, la tune, le fric. Donc le "pouvoir"?
Ecrit par : lutinbleu | 23 juin 2010
Allez, on en remet une couche :
Domenech me rappelle ces professeurs chahutés qui ne cessent de minimiser les incidents et campent dans le déni : j'ai souvenir, il y a déjà une quinzaine d'années, d'un collègue tellement bordélisé que j'avais dû intervenir dans sa classe et pousser une méga-soufflante afin de calmer les gamins, debout sur les tables. A 10 heures, en salle des profs, le collègue en question m'a littéralement agressée sur le mode ""tout va bien dans ma classe", "la situation est sous contrôle" et "faut bien qu'ils s'expriment".
Raymond Domenech est au football ce que Bégaudeau (un autre footeux, tiens) est à la pédagogie. Victime de l'extraordinaire créativité verbale d'Anelka -- tu parles, Jules -- il réduit l'insulte à un simple dérapage de vestiaire, que dis-je, à quelque chose de "normal" entre joueurs et coach. C'est tellement symptomatique de ce que Meirieu (oui, même lui !) appelle la "pédagogie de la démission" (lors de son entretien avec Cl. Mazeron dans "Marianne" voici quelques semaines) qu'on ne peut que se réjouir de voir, enfin, l'imposture éclater dans toute sa cruelle évidence : à quelques exceptions près, nos Bleus sont des crétins de la fabrique, vivantes incarnations de l'échec des éducateurs, et de tous les éducateurs : école, clubs sportifs, famille. L'échec d'un système qui, à tous les échelons, refuse de transmettre -- y compris le ballon ;-(
En outre, le "politically correct" fait que, depuis déjà un moment, on ne peut plus dire d'un khon qu'il est khon, parce que ce khon est toujours aussi, forcément, issu d'une minorité plus ou moins visible. Dire que Gogolène est sotte , c'est sexiste, que Ribéry est à la limite de la débilité, c'est à la fois socialement méprisant et islamophobe, qu'Anelka est un âne, c'est raciste, etc. , etc. Résultat, on a porté au pinacle une bande d'imbéciles, parce qu'on n'a plus le droit de dire qu'ils le sont. A force de leur répéter qu'ils sont le sel de la Terre, ils ont fini par le croire -- avec le résultat que l'on sait.
D'aucuns vont même jusqu'à expliquer que tout ce à quoi nous avons assisté ces dernières semaines, ces manifestations d'une himalayenne bêtise, ces comportements de petits caïds, seraient inscrits dans la "culture" (sic) de ces jeunes gens, et qu'il ne faut donc pas les "stigmatiser". Dénoncer le comportement de cette bande de blousons dorés ignares et inéduqués, ce serait, au fond, se montrer raciste, explique Julien Dray, que l'on a connu plus fûté sinon plus affûté, et qui parle d'un règlement de comptes contre la France métissée :http://www.lepost.fr/article/2010/06/21/2122744_pour-juli...
Ce que nous renvoie cette lamentable histoire de ballon, c'est le terrifiant déficit de République dans lequel nous sommes tombés. L'échec des Bleus, c'est notre faillite collective, faite d'une accumulation de démissions, de compromissions, de capitulations, de facilités, de fascination pour l'argent facile, de complaisance dans la bêtise et la démagogie, de manque d'exigences à tous points de vue.
Mon compagnon a été élevé dans une cité HLM, par une nourrice rapatriée d'Algérie. "Si je ne disais pas bonjour au facteur, je prenais une taloche". Aujourd'hui, c'est aux facteurs, au SAMU ou aux pompiers qu'on lance des pierres...
Un dernier point : tout vrai sportif, même footeux, vous expliquera qu'un joueur de haut niveau joue aussi et d'abord avec son cerveau. A qualités physiques équivalentes, c'est l'intelligence qui fait la différence... Et franchement, là, il y a du boulot pour Laurent Blanc !
Ecrit par : Françoise Guichard | 23 juin 2010