Télérama – Entretien avec Denis ROBERT, le rescapé de CLEARSTREM
27/02/2011
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Denis Robert : “En me rendant justice contre Clearstream, on rend justice au journalisme”
Le 12 février 2011 à 12h01
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Denis Robert
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LE FIL Idées - Enfin ! La semaine dernière, la Cour de cassation a définitivement donné raison à Denis Robert après les multiples procès intentés par Clearstream. Le journaliste nous explique en quoi cette décision, qui représente pour lui un immense soulagement, est aussi historique pour la liberté de la presse.
Denis Robert le 5 octobre 2008, pendant le procès Clearstream.
Photo : Christophe Morin / IP3 / MaxPPP
Dix ans de procès. Près de soixante procédures intentées par la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream contre le journaliste Denis Robert. Et au final, la victoire. Dans trois arrêts rendus le 3 février 2011, la Cour de cassation vient de blanchir le journaliste. Cette décision inverse les condamnations pour diffamation qu’il avait subies en appel en 2008 pour ses deux livres Révélation$ et La Boîte noire, ainsi que pour un documentaire diffusé sur Canal+.
Vous parlez de décision de justice historique. Pourquoi ?
Mais parce qu'elle l'est ! Elle va faire jurisprudence. En me rendant justice, on rend justice au journalisme. Imaginez, les quatorze magistrats de la Cour de Cassation ont pris deux années pour reprendre mon enquête, peser le pour et le contre. Et dans les trois arrêts rendus le 2 février ils ont souligné « l’intérêt général du sujet traité et le sérieux de l’enquête ». Le tribunal a reconnu la priorité du droit à l'information sur le secret bancaire. Ils ont aussi condamné la forme de harcèlement dont j'ai fait l'objet ces dernières années.
Clearstream a été condamné à vous verser 9 000 euros...
Oui, au titre des frais de procédure. Ils ont aussi été condamnés à me rembourser le montant de mes précédentes condamnations. Tout le monde peut maintenant citer partout ce que j’avais écrit ! En fait, la Cour de cassation s'est appuyée sur l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme sur la liberté d'expression, qui comprend « la liberté de recevoir ou communiquer des informations ». Vu l'intérêt présenté par mon enquête, ils ont reconnu que certaines outrances, certains propos potentiellement diffamatoires peuvent être écrits. Bref, la Cour de cassation a autorisé les imputations contenues dans mes deux livres et mon documentaire. Ces arrêts, pour moi, c'est l'éloge de mon travail. J'ai été victime d'une véritable campagne de dénigrement systématique ces dernières années. On a parlé de moi en me désignant comme « le falsificateur », « le conspirationniste »... Aujourd'hui, mes détracteurs rasent les murs.
Ces arrêts sont-ils définitifs et sans recours pour Clearstream ?
Oui ! J'ai définitivement gagné. Je me le suis fait réexpliquer quinze fois par mes avocats... je n'y croyais pas ! Je pense que Clearstream ne l'a pas tout de suite compris. Ils ont réagi dans la presse luxembourgeoise en disant « Nous prenons acte et nous attendons maintenant le jugement de la cour d'appel de Lyon. » Or c'est faux ! C'est jugé. C'est terminé. Dans les jours qui avaient suivi ma condamnation par la cour d'appel en 2008, Clearstream avait acheté une page de pub dans Le Monde pour proposer une transaction : acceptez ces condamnations contre la non-exécution des arrêts. En gros, le non-paiement des sommes auxquelles j’étais condamné. Mais c'était impensable pour moi d'accepter. Si javais dit oui, aujourd'hui je serais foutu.
Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?
Je suis apaisé, satisfait. Depuis trois ans, je fais des toiles à la Galerie W. J'ai écrit un roman, là je réalise une série de films pour France 4, Citizen J, sur le journalisme et le webjournalisme. Bref, j'ai décroché de Clearstream depuis longtemps ! Mais je me réjouis d'avance à l'idée que mes deux livres vont bientôt être de nouveau en librairie, et que mon film puisse être rediffusé - à ce propos Rodophe Belmer (patron de Canal+), si tu me lis...
J'étais à Nantes la semaine dernière. Il y avait sept cents personnes dans la salle. Je leur suis redevable, comme à toutes ces personnes qui ont cru en moi, à mes amis du comité de soutien, à ses mille huit cent quatre-vingt-six membres. L'un d'entre eux a mis en ligne une vidéo qui circule beaucoup depuis quelques jours... On y voit Philippe Val dire tout le bien qu'il pense de moi, aux côtés de l'avocat de Clearstream, Richard Malka. Cela m'amuse maintenant de penser aux gens qui m'ont dénigré.
Propos recueillis par Sophie Lherm