Brassens raconté par Victor Laville : « Jo a tout de suite adoré le fou chantant »
MIDI LIBRE Édition du lundi 14 février 2011
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« Jo a tout de suite adoré le fou chantant »
Il y a la poésie, certes. Mais la chanson a tout autant tenu une place prépondérante dans la vie du jeune Jo, et bien plus tôt. Que ce soit à la maison ou tout simplement dans la rue.
« A l'époque, il y avait beaucoup de chanteurs de rue, même à Sète, raconte Victor. En se baladant dans la ville, on s'arrêtait écouter tel ou tel anonyme, parfois un couple. Certains s'accompagnaient souvent avec un accordéon. Ils vendaient leurs recueils de textes, qu'on appelait des petits formats, et les gens reprenaient en chœur. »
Dans les années 1930, la chanson française est florissante. Et la radio est allumée dans tous les foyers. Chez les Brassens, il y a même un phonographe, celui de Simone. Jo adore tourner la manivelle pour passer les disques en 78 tours desa grande sœur :Tino Rossi, Fred Adison, Mireille(Couchés dans le foin, Ce petit chemin...) ou encore Ray Ventura dont le Tout va très bien, Madame la Marquise est l'un des grands succès de cette époque troublée. Jo ne se doute alors pas que des années plus tard, Ray Ventura co-éditera ses premières chansons (jusqu'en 1956) ! Mais pour lui, le premier choc, la grande révélation, c'est Charles Trenet : « Y'a d'la joie ! », « Boum ! », «Je chante »... Et il n'est pas le seul :
« Pour nous tous, ce fut une révolution, se souvient Victor. Trenet, ça n'avait rien à voir avec le côté sirupeux des roucoulades à la Tino. Jo a tout de suite adoré 'le fou chantant' parce qu'il mettait du swing dans la chanson. Et Jo a toujours aimé le jazz. » Ce qui s'entendra plus tard dans son répertoire, dont bien des musiciens de jazz, et non des moindres, feront d'ailleurs leur miel.
La guitare, en revanche, ce n'est pas pour tout de suite. Jo se contente de gratouiller la mandoline familiale. Jamais il n'apprendra le solfège. Jamais il ne saura lire ou écrire la musique. Ce qui ne l'empêchera pas de composer des parties de guitare parfois riches de dizaines d'accords dans une même chanson. Mais dans son adolescence, le jeune Jo a déjà une manie de futur musicien : « Il ne pouvait s'empêcher de tapoter avec ses doigts sur son pupitre de classe, sur une table ou sur une porte, partout où ça pouvait résonner. » Il cultive alors ce qui lui sera aussi tellement précieux : le sens du rythme...
MARC CAILLAUD