L’Atelier BNP PARIBAS – Start-up et stationnement
02/05/2016
Si on enlève 10% de la circulation cela suffit à fluidifier l’ensemble du trafic.
Régler le problème global du stationnement profite à tous, pas simplement à ceux qui ne trouvent pas de place
[Focus] Stationnement : les applications passent la seconde
Par Sophia Qadiri 27 avril 2016
http://www.atelier.net/trends/articles/enquete-stationnem...
Mots-clés : Smart Mobility, Amériques, stationnement intelligent, Europe
Le stationnement est un problème de taille dans la plupart des grandes villes, où le trafic est dense et congestionné. Enquête sur les applications qui aident les automobilistes à trouver une place. Partie 1
Le stationnement est souvent un cauchemar dans les grandes villes. Comme dans la capitale, beaucoup de mairies mènent désormais des politiques de transport défavorables aux automobiles. Et cette tendance n’est pas nouvelle. A Paris, elle date du début du millénaire et se poursuit : les berges de Seine ont progressivement été réaménagées et la circulation alternée est privilégiée en cas de pic de pollution. Mais le meilleur moyen de dissuader les conducteurs de se déplacer en voiture reste d’instiller l’appréhension de ne pas trouver où se garer. Une peur d’autant plus justifiée que les zones de stationnement ont diminué ces quinze dernières années. La Ville a même envisagé de végétaliser certains emplacements. Quoi qu'il en soit, Vélib’ et autres Autolib’ empiètent désormais sur les places autrefois réservées aux voitures.
Pour remédier à ce problème, acteurs classiques et jeunes pousses rivalisent d’innovations. Les applications smartphones qui permettent aux automobilistes de repérer un endroit où stationner sont désormais légion. De Apila à Sweetch en passant par Path to Park, toutes ont l’objectif de contribuer à désengorger les villes. Chacune a construit sa stratégie, plus ou moins bien acceptée. Retour sur des expériences instructives.
Ces start-up qui trouvent des places de stationnement
Hamza Ouazzani Chahdi, fondateur de plusieurs start-up dans le domaine du stationnement raconte cette histoire dans laquelle tous les automobilistes des grandes villes pourraient se retrouver : “Quand j’étais en école, j’avais une voiture pour pouvoir circuler librement parce que les transports en commun manquaient sur le plateau de Saclay. Et quand le week-end j’allais à Paris, trouver une place était infernal. Je pouvais tourner pendant plusieurs dizaines de minutes avant de pouvoir me garer. C’est comme ça que j’ai réalisé qu’il y avait un vrai problème avec le stationnement.”
De cette prise de conscience est née une volonté d’entreprendre et une envie de simplifier le quotidien des automobilistes. Convaincu que le problème ne résidait pas seulement dans le manque d’infrastructures mais était aussi lié à un manque d’informations, le jeune startuper s’est donc employé à créer une première application, incubé au Y Combinator, pour aider les conducteurs à trouver une place à San Francisco. “Le concept de Sweetch c’était de s’entraider, de créer une communauté pour trouver des places libres. Concrètement la personne payait 5 dollars en trouvant où se garer grâce à l’application et les récupérait en prévenant qu’elle libérait sa place. On avait rajouté une incitation financière pour que cela fonctionne dans les deux sens”, se souvient Hamza Ouazzani Chahdi.
La même idée avait été testée en 2012 et présentée comme un réseau social de la recherche de place de parking. Mais Apila n’a pas décollé. Quand aux autres applications similaires à Sweetch comme Park Modo ou Monkey, toutes se sont heurtées à un problème de compréhension du sujet et à un blocage par la Ville. “Beaucoup n’ont pas compris l’esprit, ont considéré qu’on privatisait des infrastructures publiques gratuites. Ce n’était pas le bon moment. C’est arrivé dans un contexte difficile avec la montée des loyers, et l’inflation en générale”, analyse l’entrepreneur.
Les avantages d’un acteur du stationnement bien installé
C’est dans ces situations que les acteurs traditionnels mieux implantés ont un avantage. Grâce à ses horodateurs connectés et à ses “quarante ans de données de paiement par sections de rues dans des milliers de villes”, l’entreprise Parkeon propose également d’aider les conducteurs à se garer. "L’objectif de Path to park, est de faire passer la recherche de stationnement de 15 à 3 minutes". Bertrand Barthelemy, CEO, est très fier de son application prédictive. “On obtient des informations ou des prévisions fiables grâce à l’historique des données de paiement, aux données minute par minute et à la corrélation avec 200 autres bases de données (météo, achetées ou en open data).” L’outil lancé l’an dernier est “complètement opérationnel depuis novembre 2015”.
D’après lui, l’une des raisons du manque de places de stationnement en voirie est la présence des “voitures ventouses”. “Le problème c’est que comme les résidents bénéficient d’un stationnement gratuit ou à tarif préférentiel près de chez eux, souvent une famille qui a deux véhicules, utilise son parking privatif pour la voiture du quotidien et la deuxième voiture reste garée sur l’espace public et l’encombre pendant que le parking privatif reste vide.” À cela s’ajoute l’absence de corrélation entre l’augmentation du parc automobile et celle des places de stationnement. “Dans l’agglomération de Lille par exemple, il y a eu 200 000 voitures de plus en 25 ans dont 190 000 restent dans la rue. C’est très compliqué pour les maires de gérer cela car ces résidents sont leurs électeurs.”
La solution de Parkeon ? Favoriser la rotation. “Si le temps est limité à deux heures de stationnement dans les rues commerçantes, il y aura mécaniquement plus de passage.” Et plus de place libres pour les automobilistes.
Path to park permet aussi de pré-réserver ou de prépayer sa place. En effet trouver où se garer n’est pas le seul problème lié au stationnement et c’est la raison pour laquelle d’autres applications se proposent d’y remédier. En utilisant des voituriers ou encore en prévenant le conducteur de la régulation en vigueur.
[Focus] Parking : les applications trouvent le bon créneau
Par Sophia Qadiri 28 avril 2016
http://www.atelier.net/trends/articles/focus-parking-appl...
Mots-clés : Smart Mobility, Amérique du Nord, stationnement intelligent, Europe
Trouver une place n’est pas le seul problème du stationnement. La payer ou encore éviter de se faire verbaliser peut être compliqué. Les innovations fleurissent dans ce domaine et participent au désengorgement des villes. Enquête (Partie 2).
Le nombre de voitures dans le monde explose. Selon des estimations de l’Agence internationale pour l’énergie qui dépend de l’OCDE, les deux milliards de véhicules seront atteints en 2050. En effet, malgré le développement des consciences écologiques, la promotion des transports en commun ou des vélos, le nombre de voitures en circulation continue à augmenter de manière exponentielle, notamment dans les pays en développement. Dans les grandes capitales européennes les Villes ont pris des mesures pour limiter l’accès des véhicules particuliers. C’est le cas à Paris, où les quais de Seine sont progressivement fermés aux voitures ou à Londres, où le nombre de cyclistes pourrait bientôt dépasser celui d’automobilistes.
Même à Casablanca, la construction des lignes de tramway se fait au détriment des véhicules qui se retrouvent confrontés à des voies largement réduites. Malgré ce contexte qui peut sembler défavorable aux voitures, les citoyens sont toujours très nombreux à les utiliser. Et les villes de plus en plus saturées. Mexico, Bangkok et Istanbul occupent le podium mondial des plus congestionnés, mais les occidentaux ne sont pas en reste. San Francisco et Paris sont les deuxièmes villes les plus embouteillées des Etats-Unis et de la France, respectivement 31e et 32e au classement international, derrière Los Angeles et Marseille.
Le temps perdu passé à se garer fait partie des facteurs d’engorgement d’une ville. Trouver une place n’est pas le seul problème. Il faut aussi choisir entre parking souterrain et voirie, pouvoir éventuellement réserver la place, la payer, parvenir à se garer et ne pas être dans l’illégalité. Start-up et acteurs traditionnels fourmillent d’innovations axées sur ces différents aspects du stationnement. De la multiplication des moyens de paiement aux parcmètres aux applications smartphone pour ne pas se faire verbaliser, les inventions pour faciliter la mobilité des automobilistes ont donc fleuri, avec plus ou moins de succès. Tour d’horizon.
Augmenter les moyens de paiement et favoriser la rotation pour améliorer le stationnement en ville
La question du paiement est en une difficulté importante à laquelle est souvent confronté l’automobiliste. “Aux Pays-Bas avec ma voiture, je n'avais pas de monnaie sur moi alors pour ne pas être verbalisé j'ai dû aller retirer de l'argent puis prendre un café pour pouvoir payer le parcmètre. Non seulement cela demande plus de temps mais en plus c'est plus cher parce qu'il faut payer le café…”, s’amuse Bertrand Barthélémy, CEO de Parkeon.
En effet, “trois-quarts des villes françaises ne proposent que le paiement en espèce”, bien que “l'usage de la carte bancaire pour les horodateurs a une dizaine d'années et se généralise depuis quatre - cinq ans”. C’est dommageable pour les municipalités puisque plus on augmente le nombre de moyens de paiement (en cash, par carte bancaire, en sans contact, via sa montre intelligente...) et plus les gens payent. “Quand on introduit le paiement par carte bancaire aux horodateurs, on constate 25% de paiement en plus et à Paris c'est encore plus spectaculaire, on a doublé le nombre de personnes payantes”. De même, “en mettant en place le paiement sans contact (qui s’envole cette année) on augmente encore de 15% le nombre de paiement.”
Aujourd’hui, d’après le CEO de Parkeon, il y a 500 millions de transactions par an en espèce, contre 200 millions par carte bancaire... et 10 millions par téléphone. Il y a quelques années, le paiement par mobile passait par l’envoie d’un sms. C’est désormais plus simple avec les applications comme Whoosh et YellowBrick de Parkeon. “D'un point de vue politique, il serait légitime de donner les moyens au citoyen de payer.” C’est un des arguments que fait valoir l’entreprise pour convaincre les maires. “Parfois des moyens de paiement ne sont pas mis à disposition parce que c'est compliqué, il y a une lourdeur inhérente aux dépenses publiques”. Alors il faut aussi démontrer que cela en vaut la peine. Les chiffres abondent dans ce sens : “le retour sur investissement pour la carte bancaire est de trois à quatre mois, donc ce n'est pas une question économique”.
Les maires seront d’autant plus impliqués que la dépénalisation du stationnement a finalement été adoptée. A partir du 1er janvier 2018, l’amende sera remplacée par une redevance locale décidée par la collectivité locale. “Ils vont devoir proposer de façon standard le paiement aux concitoyens, la logique serait donc de redonner des moyens de paiement électronique”, juge Bertrand Barthélémy.
Des voituriers pour les particuliers et la certitude d’être garé
Pour être sûr de se garer, certaines applications ont proposé de faire appel à un service de voituriers. Hamza Ouazzani Chahdi en a lancé une avec son co-fondateur Aboud Jardaneh. “Après Sweetch (ndlr : Partie 1), on s’est demandé comment apporter aux gens la certitude de trouver une place. On a alors pivoté en créant Vatler : on postait nos voituriers devant les restaurants partenaires et on leur offrait nos services pour leurs clients en contrepartie de la promotion qu’ils pouvaient faire de l’application”.
Luxe et Zirx sont des applications concurrentes. Toutes ont rencontré de réels difficultés. “On s’est encore fait bloquer par San Francisco”, résume le fondateur de Vatler, qui a eu une expérience similaire quelques mois plus tôt. “La Ville a commencé à nous faire payer 25% de taxes, et en les payant on commençait à perdre tous nos profits. Ensuite ils voulaient nous soumettre aux lois sur les voituriers traditionnels, ils nous ont demandé des permis spéciaux. On s’y est soumis. Et puis ils ont tout simplement arrêté de nous donner les autorisations d’exercer. On a su ensuite que c’était sous la pression des sociétés de parking qui ont fait du lobby parce qu’ils nous considéraient comme de la concurrence déloyale.”
Zirx ont eux laissé tomber leur modèle “à la demande” pour passer en B2B quand Luxe met les bouchées doubles et vient de conclure un partenariat avec Hertz, l’entreprise de location de véhicules.
D’autres super assistants, virtuels cette fois, pourrait faciliter le stationnement. C’est le cas des technologies comme le Fully Active Park Assist de Ford qui, une fois au point, permettront à la voiture de faire son créneau toute seule. En attendant, les parkings deviennent plus intelligents.
Les parkings souterrains de plus en plus intelligents
“Pour choisir leurs zones de stationnement, les gens misent sur la qualité, il y a la question d’être sûr de trouver une place puis le prix joue, et enfin le sentiment de sécurité est important, les gens n’iront pas se garer à un endroit s’ils ont peur pour eux ou pour leur voiture, ou si le parking est sale”, liste Bertrand Barthélémy.
Les parkings souterrains ont en tout cas l’avantage d’être plus souvent privés et réservables. La start-up OnePark, en a fait sa spécialité et vient de nouer un partenariat avec les parkings EFFIA de Keolis.
Pour inspirer confiance et faciliter l’utilisation de ces parkings souterrains, un certain nombre de technologies ont été déployés. “A Milan avec MiniPark, un système de caméra à l’entrée lit les plaques d’immatriculation ou un code barre, à la sortie le véhicule est identifié et associé à une personne ou à une carte de transports publics dans les parkings relais. Le propriétaire de la voiture est ensuite facturé à la fin du mois, sur sa carte de transport public et pourrait même recevoir un message d’alerte si le train est en retard en s’inscrivant à ce service.”
En France, les volontaires peuvent associer les plaques d’immatriculations de leurs véhicules à leur profil sur l’application Path to Park et “se voir ouvrir les portes des parkings partenaires à leur arrivée parce que la caméra les aura reconnu”. La différence entre se garer dans la rue par rapport au parking privé, c’est aussi que les PV sont plus vite arrivés.
Dernier commandement du stationnement parfait : ne pas se faire verbaliser
Pour Hamza Ouazzani Chahdi, la donnée est la clef du stationnement. “On s’est rendu compte qu’en donnant de l’information aux gens, on peut être beaucoup plus utile et sur une échelle bien plus grande.” C’est justement l’objet de sa nouvelle start-up : “rassembler un maximum de données sur les parkings pour les transmettre d’une manière intelligente”. Dans un premier temps, Spot Angels se concentre sur les réglementations de stationnement.
“En arrivant à San Francisco on s’est fait embarquer notre voiture par la fourrière et cela nous a coûté 600 dollars. Au moment où on l’a garé c’était autorisé sauf qu’à 3h de l’après-midi il aurait fallu la déplacer et nous ne le savions pas. Il y a énormément de régulation de ce type.” C’est la raison pour laquelle Hamza Ouazzani Chahdi et ses associés se sont lancés dans la création d’une technologie qui prévient l’utilisateur de la réglementation en vigueur à l’endroit où il s’est garé. “C’est une application très simple qui tourne toute seule dans le background et t’envoie l’information, elle te demande de confirmer que tu viens de te garer à tel endroit en un touché d’écran, t’indique le temps que tu peux rester et te le rappelle une demi-heure avant d’être en infraction. Si l’information manque, l’utilisateur prend une photo pour renseigner les autres.”
Pour être efficace, Spot Angels doit croiser un grand nombre de données. “Il faut qu’on connaisse toutes les lois qui régissent les parkings souterrains comme en extérieur. Il faut qu’on sache quels sont les horaires d’ouverture et de fermeture, de passage du camion de nettoyage, et qu’on connaisse aussi chaque quartier, qu’on sache comment il évolue, est-ce qu’il devient résidentiel, quel est la moyenne d’occupation de la rue… C’est énorme et cela n’a pas encore été fait.” Pour une fois, la jeune pousse a pu compter sur la Ville : “On a rassemblé les données publiques sur les emplacements dédiés au stationnement… Comme différentes agences communales s’en occupent et ne communiquent pas forcément entre elles, les données sont incomplètes et parfois non mises à jour.”
C’est donc le fruit d’un long travail, d’une technologie éduquée au machine learning et de l’aide reçue par la communauté d’utilisateurs. Ces derniers sont friands du fait de savoir ainsi “où est leur voiture, d’économiser l’argent autrefois dépensé pour les amendes de stationnement, et de participer au développement et au fonctionnement de l’application, un peu à la Waze”.
De la même manière que Whoosh, propose à l’utilisateur de lui envoyer une alerte pour le notifier de la fin de sa période de stationnement et lui offrir la possibilité de l’étendre, Spot Angels pourrait considérer l’idée d’héberger un système de paiement. A terme, les startupers envisagent même de “régler tous les problèmes du stationnement en une application, en fournissant la bonne information”.
Selon Bertrand Barthélémy, “des chercheurs américains et chinois ont démontré que même si 100% des automobilistes avaient l’information parfaite sur les emplacements disponibles, cela n’impacterait pas l’efficacité d’applications comme Path to Park”. Sur ce sujet la somme des optimums individuels revient à l’optimum collectif : “peut-être que vous marcherez dix minutes de plus mais si la personne devant se gare plus vite, vous allez plus vite”.
Que ce soit grâce à une application pour trouver une place, à un voiturier, en simplifiant le paiement ou l’usage d’un parking, plus l’automobiliste stationne rapidement et plus la ville sera décongestionnée. “Si on enlève 10% de la circulation cela suffit à fluidifier l’ensemble du trafic. Régler le problème global du stationnement profite à tous, pas simplement à ceux qui ne trouvent pas de place.”