18/09/2012
Patricia Petibon–Aria de Rinaldo (Haendel) Lascia ch'io pianga
Lascia ch'io pianga mia cruda sorte
E che sospiri la liberta [2x]
Laissez-moi pleurer mon sort cruel et aspirer à la liberté !
Il duolo infranga queste ritorte
De miei martiri sol per pieta[2x]
Puisse le chagrin briser les chaînes de ma souffrance, par pitié
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Nouvel Obs Education–l’étrange déprime : l’école en cause comme en 1940
Dans "L'Etrange défaite", l'historien Marc Bloch a magistralement montré que la débâcle de 1940 provenait d'une mauvaise formation des élites françaises. L'histoire se reproduit-elle avec notre débâcle économique actuelle ?
Des civils fuyant les bombardements prennent la route de l'exode en 1940 AFP
En cette rentrée où l’on ploie sous les mauvaises nouvelles économiques, et où fleurissent, comme d’habitude, de nombreuses analyses sur l’école, c’est la relecture d’un livre exceptionnel écrit en 1940 - « L’Etrange défaite » de l’érudit historien Marc Bloch - qui nous retient. Car on comprend bien - même si François Hollande ne nous l’a pas tellement expliqué - que le désespérant état de langueur actuelle de la France ne résulte pas juste de la crise économique de 2008 (dite des « subprimes »). Notre dette grimpe sans interruption depuis plus de 25 ans, l’effondrement de notre balance commerciale s’aggrave de façon inexorable depuis 10 ans, la perte de compétitivité de notre industrie n’est pas survenue subitement, elle est signalée de longue date par nombre d’études, la décrépitude de nos universités était patente depuis des décennies, et on sait depuis au moins 15 ans que 150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans le moindre bagage monnayable, sans y remédier.
Dans ce contexte il est passionnant de revisiter le raisonnement implacable avec lequel Marc Bloch impute notre débâcle de 1940 – l’un des plus dramatiques épisodes de notre histoire - à une carence intellectuelle collective, entraînée par un manque de remise en cause, d’ouverture d’esprit et d’audace de nos élites à l'époque. Le grand historien impute de façon convaincante une bonne part de ce déclin à ce qu’était notre école dans les années 30. Cet ancien de Normale Sup, prof de lycée et d’université, savait de quoi il parlait. Engagé volontaire, héros de la résistance, il écrivit ce livre d’un seul trait durant le dramatique été 40, caché à l’abri de l’invasion allemande, avant d’entrer en résistance et d'être torturé puis fusillé par les allemands. Son manuscrit fut sauvé par miracle.
Bloch explique comment les élites françaises, imbues de certitudes, ont très mal analysé la montée des périls des années 30 et les causes profondes du Front Populaire. Il montre que dans tous les domaines - politique, militaire, économique… - les dirigeants français d’alors baignaient dans un conservatisme plus ou moins béat ("Nous avons la meilleure armée du monde" clamait-t-on le 14 juillet 1939, qui vit défiler 30 000 soldats devant un million de parisiens) et dans le déni. Il décrit avec beaucoup de finesse et sans détours le goût des médiocres combines politiques, la prédilection pour les protections et les « Lignes Maginot », la grande difficulté à innover face à l’imprévu, le culte des certitudes qui tuent et une constante façon de traiter les problèmes de demain avec les recettes d’hier. Bloch impute cette façon d’avoir « une guerre de retard » à un système éducatif générateur d’œillères, de conformisme, et d’autosatisfaction.
« Une société plus usée psychologiquement que physiquement »
Il consacre un chapitre entier aux réformes qu’il suggère d’apporter à l’école et à l’enseignement supérieur pour que notre pays soit moins frileux et replié sur lui-même. De façon impressionnante, on découvre que ce qu’il préconise en 1940 …reste d’une troublante actualité. Ne continuons-nous pas à vouloir nous abriter derrière des Lignes Maginot (sortie de l’Europe, rétablissement des frontières, demandaient plusieurs candidats à la présidentielle), des principes de précaution, des peurs de la mondialisation, des certitudes (d’avoir un bon, voire très bon, système éducatif ), au lieu d’accueillir l’imprévu, la nouveauté et la remise en cause avec esprit d’entreprise et optimisme ?
Tout ceci semble en rapport avec le profond malaise actuel de la société Française, championne du pessimisme dans les sondages internationaux. Malaise souligné par l’ancien Médiateur de la République, Jean Paul Delevoye, qui décrivait en termes inquiétants, dans son rapport annuel 2009, une "société plus usée psychologiquement que physiquement". C’est - quasiment au mot près - ce que disait Marc Bloch de notre état en… 1939.
Voici, ci-après, les réformes que cet universitaire et héros ( père de famille nombreuse, Croix de Guerre 1914, il exigea d’être mobilisé à 54 ans, et le paya de sa vie ) appelait de ses voeux pour que l’école cesse de produire "des profils conformistes et manquant d'esprit critique"
La maladie du bachotage
« De tant de reconstructions indispensables, celle de notre système éducatif ne sera pas la moins urgente . Notre effondrement a été avant tout, chez nos dirigeants et dans toute une partie de notre peuple, une défaite à la fois de l’intelligence et du caractère. Parmi ses causes profondes, les insuffisances de la formation que notre société donnait à ses jeunes ont figuré au premier rang. Un mot, un affreux mot, résume une des tares les plus pernicieuses de notre système éducatif : celui de bachotage. Le secondaire, les universités, les grandes écoles en sont tout infectés. « Bachotage » : autrement dit : hantise de l’examen et du classement. On n’invite plus les étudiants à acquérir les connaissances, mais seulement à se préparer à l’examen. Dans ce contexte l’élève savant n’est pas celui qui sait beaucoup de choses, mais celui qui a été dressé à donner, par quelques exercices choisis d’avance, l’illusion du savoir. Au grand détriment de leur instruction, parfois de leur santé, on plonge trop précocement les élèves dans la compétition afin d’éviter tout retard pour intégrer telle ou telle grande école. Il n’est pas nécessaire d’insister sur les inconvénients intellectuels d’un pareille « manie examinatoire ». Mais ses conséquences morales, c’est la crainte de toute initiative, chez les maîtres comme chez les élèves, le culte du succès substitué au goût de la connaissance, une sorte de tremblement perpétuel et de la hargne, là ou devrait au contraire régner la libre joie d’apprendre."
Que de sujets toujours d'actualité dans ce texte ! La violence à l'école ( il dit "tremblement et hargne"), le problème de la phobie scolaire ( il parle de la santé), de la sélection par l'échec (baptisée "manie examinatoire"), de la diplômite, du manque d'initiative des élèves ( les études PISA de l'OCDE montrent que les jeunes français sont ceux qui osent le moins s'exprimer et poser des questions en classe de peur de se tromper et/ou être stigmatisés)...
Alléger les programmes du secondaire
"Au lycée il faudrait une très souple liberté d’options dans les matières. A cause du bac, la France est l’un des rares pays ou toute l’expérimentation pédagogique, toute nouveauté qui ne s’élève pas immédiatement à l’universel se trouve interdite. Des allègements sérieux peuvent être apportés aux programmes. Mais il sera difficile de persuader des maîtres que les méthodes qu’ils ont longuement pratiquées n’étaient peut être pas les meilleures ".
Qui croit encore au bac ?
« Pourquoi noter au point ou au demi point près alors que la façon de noter varie beaucoup d’un enseignant à l’autre ? Ramenons, comme dans d’autres pays l’échelle des notes à cinq grandes catégories : très mauvais, mauvais, passable, bien, très bien (…) Qui croit encore au baccalauréat ? Des procédés de sélection demeureront nécessaires, mais plus rationnellement conçus. »
La notation, le bac : deux sujets totalement d'actualité ! !
Manque de recherche dans les grandes écoles
« L’enseignement supérieur a été dévoré par les grandes écoles. Qu’est ce qu’une faculté de lettres, sinon avant tout une usine a fabriquer des professeurs ? Tout comme Polytechnique est une usine à fabriquer des ingénieurs. D’où deux résultats déplorables. Le premier est que nous préparons mal à la recherche scientifique. Et que cette recherche de ce fait périclite chez nous. Notre rayonnement international en a été gravement atteint. Dans les grandes écoles nous formons des chefs d’entreprises qui sont de bons techniciens, mais sont sans connaissances réelles des problèmes humains. Nous avons des administrateurs qui ont horreur du neuf. Et nous créons des petites sociétés fermées où se développe l’esprit de corps, qui ne favorise guère la largeur d’esprit. »
Encore une rafale de sujets brûlants d'actualité: le manque de recherche dans les grandes écoles, le manque de rayonnement international, attesté par l'absence d'université française dans les 35 premières universités mondiales du classement de Shanghaï ( et seulement deux universités françaises dans le top 100 mondial), le déficit de formation des élites en sciences humaines, (on pense aux suicides dans certaines grandes entreprises (France Télécom, Renault...), les administrateurs qui ont "horreur du neuf"...
A quoi sert l'ENA ?
Sur ce sujet encore, Bloch est visionnaire:
"Par l'établissement d'une Ecole d'administration, le Front Populaire prétendit battre en brèche le monopole des "Sciences Po". Le projet était mal venu. Mieux eût valu favoriser, par des bourses, l'accès de tous aux fonctions administratives et en confier la préparation aux universités, selon le large système de culture générale qui fait la force du Civil Service britannique"
L’édition Folio du livre de Bloch, parue en 1990, fut préfacée en ces termes sévères par Stanley Hoffman, le grand professeur américain de Science Politique :
« la réforme que souhaitait Bloch pour la France n’a pas vraiment eu lieu : la reconstitution de vraies universités ( ie : rapprochant les disciplines en lieu et place des facultés ) a tourné court, les grandes écoles avec leurs monopoles, et les grands corps, sont plus forts que jamais et les bibliothèques universitaire toujours aussi mal loties (…) Et la machinerie des partis politiques exhale toujours un parfum moisi de petit café ou d’obscurs bureaux d’affaires. »
72 ans après le diagnostic de Marc Bloch, et 22 ans après la mise en garde de Stanley Hoffman, on est saisi par le sentiment affreux que les choses ont bien peu bougé dans la conception de notre appareil éducatif : toujours autant de bachotage et de surnotation dans le secondaire, toujours aussi peu de recherche (et d’autosatisfaction) dans les grandes écoles, toujours autant de cloisonnements entre les disciplines, toujours autant de patrons « sans connaissances réelles des problèmes humains », puisque la matière la plus discriminante pour intégrer les meilleures écoles de management reste les maths, au détriment des sciences humaines et sociales. Il trouvait qu'on enseignait mal l'histoire. Là, ça s'est aggravé... La preuve: qui connaît Marc Bloch ?
00:17 Publié dans Enseignement | Lien permanent |
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