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27/01/2017

Télérama - Palantir, l'encombrant ami américain du renseignement français

http://www.telerama.fr/medias/palantir-big-data-renseigne...

Lecture complémentaire :" La confidentialité en ligne pour les journalistes"
(Merci à Jackie pour ce lien)

Illustration : Coloranz d'après Eli Christman et Lemat Work
 

SUR LE MÊME THÈME

La start-up numéro un du big data poursuit son irrésistible ascension. Son co-fondateur, Peter Thiel, est aujourd'hui conseiller numérique de Donald Trump. Quant à sa filiale française, elle vient de signer un contrat de 10 millions d'euros avec la DGSI.

Dans Le Seigneur des anneaux de Tolkien, le palantir est une pierre magique qui permet de voir partout, tout le temps. Une boule de cristal elfique qui offre un pouvoir considérable. Dans le monde des hommes, Palantir est une entreprise qui ambitionne de voir partout, tout le temps. C’est l’une des « licornes » de l’économie numérique, valorisée à 20 milliards de dollars. Juste derrière Uber et Airbnb. Devant Snapchat. Pourtant, son nom n’évoquera rien chez les profanes. Comme ses petits camarades de l’économie californienne, Palantir veut changer le monde. A quelque détails près. Palantir ne conçoit pas de produits vernis de cool destinés au plus grand nombre. Palantir ne vous inonde pas de notifications push. Palantir ne se répand pas dans la presse. Palantir rechigne à être introduit en bourse. Pour faire simple, Palantir veut voir sans être vu.

Sentinelle d'une Amérique traumatisée

Créée en 2004, la start-up est un leader de l’analyse des données, qu’elle croise, compare et « crunche » à l’aide de ses logiciels phares, Gotham et Metropolis. C’est la Rolls-Royce du big data, ce terme à la mode des prospecteurs en pétrole immatériel. Elle a été cofondée par Peter Thiel, grand argentier de la Silicon Valley, désormais conseiller numérique de Donald Trump. Son premier investisseur ? In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la CIA. Dans l’Amérique traumatisée de l’après-11 septembre, Palantir promet de mouliner des gigaoctets de données afin d’anticiper les menaces. Et, pourquoi pas, prédire l’avenir. Aux Etats-Unis, dans un pays qui compte pas moins de dix-sept agences de renseignement et une myriade d'agences fédérales, le marché s’ouvre aussi sûrement que la mer Rouge : de la NSA aux services de police de Los Angeles, les contrats pleuvent.

Pour faire étalage de leurs capacités, les « Palantirians », comme ils se nomment entre eux, offrent des démonstrations grandeur nature. En 2007, une ONG utilise une de leurs solutions maison pour enquêter sur la mort du journaliste Daniel Pearl, exécuté au Pakistan cinq ans plus tôt. Une visualisation plus tard, les vingt-sept individus impliqués dans son enlèvement apparaissent sur un écran. Le rôle de chacun d’entre eux y est détaillé, tout comme ses liens avec les autres. Plus besoin de punaiser des photos floues sur un tableau en liège avec la fébrilité d’une Carrie Mathison : Palantir prend les choses en main. Comme toute grande religion, la nébuleuse entreprise possède ses mythes fondateurs. Le plus connu ? Elle aurait aidé à la traque et à l’élimination d’Oussama Ben Laden. Une rumeur jamais confirmée, jamais infirmée non plus, qui lui garantit une place de choix à la droite du pouvoir régalien.

A la table de Trump

Au fil des ans, la petite start-up devient le plus gros propriétaire terrien de Palo Alto, juste derrière le campus de Stanford, dont le département de sciences informatiques est l’un de ses plus gros pourvoyeurs en méninges. Surtout, elle s’ouvre au secteur privé en lui faisant la danse du ventre : identifiez les menaces internes, optimisez vos résultats, ayez un coup d’avance sur la concurrence. En 2010, elle signe un juteux contrat avec son premier client commercial, la puissante banque JPMorgan. D’autres multinationales suivront, de Coca-Cola à BP. En mai 2016, une enquête de BuzzFeed révèle – documents à l’appui – la santé financière pas si florissante d’une entreprise minée par les départs et les défections de gros comptes dubitatifs. Qu’importe : Palantir continue d’avoir la côte. En six ans, l’entreprise a amassé pour 340 millions de dollars de contrats avec les autorités américaines. Alex Karp, son excentrique patron, est devenu un habitué du forum économique de Davos. Depuis 2011, il a également son rond de serviette aux réunions du groupe Bilderberg, à l’invitation d’Henri de Castries, encore P-DG d’Axa. Un client de… Palantir. Nom de code : Asterix.

Alexander Karp, au centre de Palantir Technologies, Palo Alto, Californie, le 13 mars 2014.

Si Peter Thiel ne se départit jamais de son air compassé, sanglé dans des costumes impeccables qu’il préfère à rayures, Karp est sa parfaite antithèse. Avec ses bouclettes hirsutes et ses vêtements techniques fluo, on l’imagine mieux bivouaquer sur l’Everest que diriger la compagnie chérie des espions. Pourtant, les deux milliardaires se ressemblent à bien des égards. Ils sont nés à neuf jours d'écart, en octobre 1967. Ce sont tous les deux des érudits : Thiel est un spécialiste de la théorie mimétique de René Girard ; Karp a été l’élève de Jürgen Habermas à Francfort. Ils se sont rencontrés sur les bancs de l’université de Stanford et partagent la même vision libertarienne et messianique du monde. Seuls leurs expédients diffèrent : la politique pour Thiel, fervent partisan de l’indépendance de la Californie ; Palantir pour Karp, qui voue sa vie et plus encore à l’entreprise qu’il dirige. En 2013, Forbes dressait le portrait halluciné d’un zigoto qui pourrait être le cousin new age d’Emmett Brown, le professeur foldingue de Retour vers le futur. Suivi comme son ombre par un malabar chargé d’assurer sa sécurité, l’éternel célibataire « s’adresse à ses ouailles à l’aide d’un chaîne vidéo interne appelée KarpTube, où il parle aussi bien d’avidité que d’intégrité ou de marxisme ». Dans son bureau, vingt paires identiques de lunettes de piscine et des kilos de vitamines. « Les seuls moments où je ne pense pas à Palantir, c’est lorsque je nage, que je pratique le qi gong ou que je fais l’amour », concluait celui qui se définit lui-même comme un « déviant », avec un sens évident de la formule.

Les habitudes de moine-soldat finissent par payer. Mi-décembre, Karp était autour de la table à la Trump Tower, quand le président fraîchement élu a reçu le gotha de la « tech ». Bien calé entre Brian Krzanich, le patron d’Intel, et Eric Schmidt, président exécutif d’Alphabet, la holding qui chapeaute Google. A quelques mètres de lui, Peter Thiel avait hérité d’une place privilégiée à la gauche de Trump. La position du souffleur. Deux Palantirians à la sauterie numérique du nouveau locataire de la Maison blanche. Un luxe. Sûrement pas un hasard. Selon The Intercept, Palantir pourrait être l’un des grands bénéficiaires de la nouvelle donne politique outre-Atlantique : depuis 2011, l’entreprise épaule les douanes américaines. A ce titre, elle pourrait être l’instrument de l’expulsion des Mexicains sans-papiers que Trump a promis de chasser du territoire. Et ce n’est pas le seul front. Alors que la future administration rêve à voix haute d’un fichier des musulmans, Alex Karp a récemment été obligé de sortir du bois. « Si on nous le demandait, nous refuserions », a-t-il juré la main sur le coeur.

Première grande réunion entre le président élu Trump et les leaders de l'industrie technologique. Le vice-président Mike Pence et le président élu Donald Trump serrent la main de Peter Thiel à la Trump Tower, le 14 décembre 2016 à New York.

“Un tel niveau de secret est toxique”

Ainsi va le quotidien de Palantir, piégé entre deux injonctions contradictoires : le bon et le mauvais flic. Sur son site, l’entreprise met en avant ses initiatives philanthropiques. Elle explique comment elle a aidé les secours pendant l’ouragan Sandy, pourquoi il faut améliorer le système de santé avec une analyse plus fine des données, et détaille les moyens qu’elle compte mettre en œuvre pour résoudre la crise humanitaire syrienne en cartographiant l’augmentation du prix du pain afin d’identifier les zones de famine potentielles. Rien que du très louable. Mais la start-up se fait beaucoup plus discrète dès qu’il s’agit d’évoquer ses clients institutionnels. Malgré nos sollicitations, nous n’avons jamais obtenu la moindre réponse. Seul Chris Hoofnagle a accepté de nous parler. Professeur de droit à l’université de Berkeley, il siège au Palantir Council of Advisors on Privacy and Civil Liberties (PCAP), un comité d’éthique installé en 2012. « A la différence d’autres entreprises travaillant avec les autorités, Palantir n’a pas attendu qu’on lui demande pour mettre au point des garde-fous, démine-t-il. C’est l’une des rares entreprises à promouvoir la “privacy by design”, c’est à dire le respect de la vie privée dans la conception même des outils. Elle en souffre et prend des coups pour ses concurrents, qui restent muets sur le sujet ». L’échange est intéressant, mais au détour d’un email, Hoofnagle glisse une information utile : il est rémunéré par Palantir pour siéger dans ce comité. Ici, tout est contrôlé, même les bons sentiments.

De quoi faire pester Edin Omanovic, spécialiste des technologies de surveillance pour l’ONG Privacy International, et auteur d'un rapport sur ceux qui les commercialisent. « Palantir est le meilleur avatar de cette nouvelle race d’entreprises qui veulent tirer profit du tour de vis sécuritaire, estime-t-il. Elles prospèrent grâce aux données et à l’information, mais ne veulent rien dire d’elles ou de leurs clients. Un tel niveau de secret est toxique, quel que soit le secteur d’activité. Comment savoir s’il y a des abus ? Comment savoir quelles données sont exploitées, et comment ? Comment savoir si c’est efficace ? Ces questions sont légitimes mais il est impossible d’y répondre. »

« Palantir a pour principe de ne pas répondre à la presse, pour ne pas alimenter davantage les fantasmes, confie encore un haut fonctionnaire qui les connaît bien. Ils ont une culture d’entreprise très différente des prestataires informatiques traditionnels ». Le siège californien de l’entreprise est peut-être surnommé « The Shire » (La Comté, encore un hommage à Tolkien), les conditions de travail sont loin d’être souples. Si vous passez à travers le tamis des six entretiens d’embauche, attendez-vous à des clauses de confidentialité drastiques. « En interne, c’est une véritable muraille de Chine », précise notre source, qui parle de personnels « pétrifiés par le secret défense » et d’ordinateurs « ultra-verrouillés ». Quand on lui demande quelques mots au sujet de son ancien employeur sur un chat sécurisé, un ingénieur répond du tac-au-tac : « Je n’ai rien à vous dire. Bonne chance pour votre article ».

L'espace détente de Palantir Technologies, Paolo Alto, Californie, mars 2014.

Un contrat à 10 millions d'euros avec la DGSI

En mars 2015, quelques semaines après l’attentat contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, Palantir a ouvert une filiale française, sur la très chic avenue Hoche, à quelques centaines de mètres de l'Arc de Triomphe. En toute discrétion, comme à son habitude. Après des mois de démarchages et de tractations, la firme américaine a trouvé un accord avec la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Selon nos informations, recueillies auprès de plusieurs sources au sein des services de renseignement, le contrat aurait été signé à l’été 2016. Montant estimé : 10 millions d’euros. 5% du budget de la DGSI. Auditionné par la commission défense de l’Assemblée nationale en mai dernier, Patrick Calvar, son patron, balisait le terrain en invoquant l’urgence : « Nous ne manquons pas de données ni de métadonnées, mais nous manquons de systèmes pour les analyser [...] Les entreprises françaises qui [les] développent ne sont pas encore capables de répondre à nos besoins, alors que nous devons acquérir ce big data immédiatement. Nos camarades européens sont dans la même situation. Le choix n’a pas encore été fait mais, en tout état de cause, la solution sera temporaire. »

L’appel d’offres, classifié, n’a pas été rendu public, mais plusieurs entreprises, françaises et étrangères, start-ups et multinationales, y ont répondu. Thalès aurait pu obtenir le marché, mais la toute nouvelle plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), est un fiasco doublé d’une très mauvaise publicité. « C’est leur EPR », glisse même avec dépit un membre des services. Alors que la loi renseignement de 2015 a sanctuarisé la souveraineté du renseignement, comment le loup Palantir est-il entré dans la bergerie ? Dans les secousses de l’affaire Snowden, Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale (et pas encore Garde des Sceaux), s’était ému de la curiosité maladive de la NSA : « Les Etats-Unis n’ont pas d’alliés, ils n’ont que des cibles ou des vassaux ». Pas de quoi empêcher le renseignement intérieur français de convoler en justes noces avec le meilleur ami des services américains. Ni tout à fait prestataire technique, ni complètement cabinet de consulting, Palantir a surtout vendu une belle promesse aux services de renseignement français : interconnecter les données collectées par les deux services dits du premier cercle (DGSE et DGSI, ndlr), faciliter leur exploitation et gérer le SAV. Afin de former les agents, des Palantirians sont en train d’être recrutés et déployés à Levallois, tandis qu’un expert venu de la DGSE est chargé d’auditer le nouveau système pour débusquer la moindre porte dérobée.

« C’est juste un prestataire. C’est comme acheter une version personnalisée de Windows 95 », tente de justifier un ancien cadre du renseignement intérieur. « La police est dans le bricolage, la réaction aux événements, au contraire de la DGSE, qui s’équipe depuis 2009. Pour moderniser et professionnaliser les outils, la DGSI a lancé trois plans de recrutement de contractuels. Ce qui la tuait, c’est qu’elle n’avait pas conscience de l’évolution technique. Il y a dix ans, les agents épluchaient encore des fadettes au stabilo. Maintenant que nous collectons en masse les métadonnées sur le territoire national, les entrepôts de données dormantes sont bien plus importants qu’avant et nous avons besoin d’outils pour les traiter. Le défi d’un service de renseignement aujourd’hui, c’est de croiser et d’exploiter du renseignement humain, des sources techniques, pour intervenir le plus en amont possible de la menace ».

Les boîtes noires rêvent-elles de moutons électriques ?

Capable de traquer des marchands de sommeil en analysant la consommation excessive d’eau dans un immeuble, Palantir pourrait matérialiser les rêves mouillés des services. En trente ans, le code pénal a vu apparaître l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste puis, en 2014, le délit d’entreprise terroriste individuelle. L’heure est à l’infiniment petit, et la doctrine privilégie les « signaux faibles » : une vidéo YouTube de l’Etat islamique, une amitié encombrante sur Facebook, un crédit à la consommation suspect. Pour les traquer, la loi renseignement a acté la création de « boîtes noires », soit des outils de détection algorithmique jetés comme des filets dérivants sur les réseaux des opérateurs télécom français. Ceux-ci ne pourront pas intercepter le contenu mais ils captureront les métadonnées. Selon la CNCTR, le gendarme du renseignement, ce dispositif expérimental devrait être déployé au printemps. Fin juillet, la commission de contrôle a transmis à Matignon une délibération classifiée sur son architecture, afin de clarifier les modalités d’accès et de stockage des données. C’est le GIC, le groupement interministériel de contrôle, basé aux Invalides, qui devrait s'occuper de gérer le péage.

« Attention, rendre les réseaux intelligents, c’est menacer les libertés », avertit un expert technique qui a longtemps roulé sa bosse chez un fournisseur d’accès hexagonal. Et si la conception de l’algorithme est la prérogative exclusive des services de l’Etat, Palantir pourrait agir comme un révélateur. « Le logiciel n’est pas une science occulte », pondère un développeur qui a récemment quitté l’entreprise. « C’est une solution utile pour donner du sens à des données disparates, mais il n’y a pas de bouton magique pour trouver les terroristes. Quiconque espérant le contraire sera invariablement déçu. Au bout du compte, les solutions de Palantir s’appuient sur des décisions humaines ». A l’instar d’un opérateur pilotant un drone Predator à des milliers de kilomètres de sa cible, un analyste des services devra-t-il demain, après-demain, évaluer une menace suggérée par une machine ? Interrogé sur les risques de dérapage d’un tel système, notre ancien cadre du renseignement s’en remet à l’expérience et à la perspicacité des agents : « A l’enquêteur de faire le tri ». En statistique, on appelle ça le risque de faux positif. Dans le monde réel, c’est l’arbitraire et l’abus de pouvoir. Risque-t-on de voir une douzaine de CRS casqués perquisitionner le domicile d’un innocent qui aura déclenché l’alarme à son corps défendant ? Sous un état d’urgence prolongé, alors qu’on punit désormais de prison ferme la simple consultation de « sites terroristes », la question se pose plus que jamais. Pas sûr que Palantir offre davantage de réponses.

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30/03/2016

Télérama : Comment le monde actuel a privatisé le silence

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Les technologies modernes nous sollicitent de plus en plus, et chacun semble s’en réjouir. Or, cela épuise notre faculté de penser et d’agir, estime le philosophe-mécano Matthew B. Crawford.

« Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre », écrivait déjà Pascal en son temps. Mais que dirait l'auteur des Pensées aujourd'hui, face à nos pauvres esprits sursaturés de stimulus technologiques, confrontés à une explosion de choix et pour lesquels préserver un minimum de concentration s'avère un harassant défi quotidien ? C'est cette crise de l'attention qu'un autre philosophe, cette fois contemporain, s'est attelé à décortiquer.

Matthew B. Crawford est américain, chercheur en philosophie à l'université de Virginie. Il a la particularité d'être également réparateur de motos. De ce parcours de « philosophe mécano », il a tiré un premier livre, Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail, best-seller aux Etats-Unis. Il y raconte comment, directeur d'un think tank de Washington où il lui était demandé de résumer vingt-trois très longs articles par jour — « un objectif absurde et impossible, l'idée étant qu'il faut écrire sans comprendre, car comprendre prend trop de temps... » —, il en a claqué la porte pour ouvrir un garage de réparation de motos. Dans ce plaidoyer en faveur du travail manuel, il célèbre la grandeur du « faire », qui éduque et permet d'être en prise directe avec le monde par le biais des objets matériels.

Notre espace public est colonisé par des technologies qui visent
à capter notre attention
.”

C'est en assurant la promotion de son best-seller que Crawford a été frappé par ce qu'il appelle « une nouvelle frontière du capitalisme ». « J'ai passé une grande partie de mon temps en voyage, dans les salles d'attente d'aéroports, et j'ai été frappé de voir combien notre espace public est colonisé par des technologies qui visent à capter notre attention. Dans les aéroports, il y a des écrans de pub partout, des haut-parleurs crachent de la musique en permanence. Même les plateaux gris sur lesquels le voyageur doit placer son bagage à main pour passer aux rayons X sont désormais recouverts de publicités... »

Le voyageur en classe affaires dispose d'une échappatoire : il peut se réfugier dans les salons privés qui lui sont réservés. « On y propose de jouir du silence comme d'un produit de luxe. Dans le salon "affaires" de Charles-de-Gaulle, pas de télévision, pas de publicité sur les murs, alors que dans le reste de l'aéroport règne la cacophonie habituelle. Il m'est venu cette terrifiante image d'un monde divisé en deux : d'un côté, ceux qui ont droit au silence et à la concentration, qui créent et bénéficient de la reconnaissance de leurs métiers ; de l'autre, ceux qui sont condamnés au bruit et subissent, sans en avoir conscience, les créations publicitaires inventées par ceux-là mêmes qui ont bénéficié du silence... On a beaucoup parlé du déclin de la classe moyenne au cours des dernières décennies ; la concentration croissante de la richesse aux mains d'une élite toujours plus exclusive a sans doute quelque chose à voir avec notre tolérance à l'égard de l'exploitation de plus en plus agressive de nos ressources attentionnelles collectives. »

L’autorégulation est comme un muscle, il s’épuise facilement.”

Bref, il en va du monde comme des aéroports : nous avons laissé transformer notre attention en marchandise, ou en « temps de cerveau humain disponible », pour reprendre la formule de Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1 ; il nous faut désormais payer pour la retrouver. On peut certes batailler, grâce à une autodiscipline de fer, pour résister à la fragmentation mentale causée par le « multitâche ». Résister par exemple devant notre désir d'aller consulter une énième fois notre boîte mail, notre fil Instagram, tout en écoutant de la musique sur Spotify et en écrivant cet article... « Mais l'autorégulation est comme un muscle, prévient Crawford. Et ce muscle s'épuise facilement. Il est impossible de le solliciter en permanence. L'autodiscipline, comme l'attention, est une ressource dont nous ne disposons qu'en quantité finie. C'est pourquoi nombre d'entre nous se sentent épuisés mentalement. »

 

Cela ressemble à une critique classique de l'asservissement moderne par la technologie alliée à la logique marchande. Sauf que Matthew Crawford choisit une autre lecture, bien plus provocatrice. L'épuisement provoqué par le papillonnage moderne, explique-t-il, n'est pas que le résultat de la technologie. Il témoigne d'une crise des valeurs, qui puise ses sources dans notre identité d'individu moderne. Et s'enracine dans les aspirations les plus nobles, les plus raisonnables de l'âge des Lumières. La faute à Descartes, Locke et Kant, qui ont voulu faire de nous des sujets autonomes, capables de nous libérer de l'autorité des autres — il fallait se libérer de l'action manipulatrice des rois et des prêtres. « Ils ont théorisé la personne humaine comme une entité isolée, explique Crawford, totalement indépendante par rapport au monde qui l'entoure. Et aspirant à une forme de responsabilité individuelle radicale. »

C'était, concède tout de même le philosophe dans sa relecture (radicale, elle aussi) des Lumières, une étape nécessaire, pour se libérer des entraves imposées par des autorités qui, comme disait Kant, maintenaient l'être humain dans un état de « minorité ». Mais les temps ont changé. « La cause actuelle de notre malaise, ce sont les illusions engendrées par un projet d'émancipation qui a fini par dégénérer, celui des Lumières précisément. » Obsédés par cet idéal d'autonomie que nous avons mis au coeur de nos vies, politiques, économiques, technologiques, nous sommes allés trop loin. Nous voilà enchaînés à notre volonté d'émancipation.

“Cette multiplication des choix capte toujours plus notre énergie et notre attention...”

« Nous pensons souvent que la liberté équivaut à la capacité à faire des choix ; maximiser cette liberté nécessiterait donc de maximiser toujours plus le nombre de possibilités qui s'offrent à nous, explique Crawford. Alors que c'est précisément cette multiplication qui capte toujours plus notre énergie et notre attention... » Un processus pervers dont nous souffrons autant que nous jouissons, en victimes consentantes. En acceptant de nous laisser distraire par nos smartphones, nous nous épuisons mentalement... tout en affirmant notre plaisir d'être libres et autonomes en toutes circonstances. Vérifier ses e-mails en faisant la queue au cinéma, au feu rouge ou en discutant avec son voisin, c'est clamer sa liberté toute-puissante, face à l'obligation qui nous est faite d'attendre. C'est être « designer » de son monde, comme le répètent à l'envi les forces du marketing.

Et c'est s'enfermer, dénonce le philosophe, dans l'idéal autarcique d'un « moi sans attaches qui agit en toute liberté », rationnellement et radicalement responsable de son propre sort. Dans un sens, nous sommes peut-être tous en train de devenir autistes, en cherchant à nous créer une bulle individuelle où il nous serait, enfin, possible de nous recentrer... Bien sûr, faire de Descartes et Kant les seuls responsables de cette captation de l'attention, c'est pousser le bouchon très loin. Mais c'est aussi écrire une philosophie « sur un mode vraiment politique, revendique Crawford, c'est-à-dire polémique, comme le faisaient les penseurs des Lumières que je critique, en réponse à tel ou tel malaise ressenti de façon aiguë à un moment historique donné ». Ce faisant, le philosophe offre une vision alternative, et même quelques clés thérapeutiques, pour reprendre le contrôle sur nos esprits distraits. Pas question pour lui de jeter tablettes et smartphones — ce serait illusoire. Ni de s'en remettre au seul travail « sur soi ».

« L'effet combiné de ces efforts d'émancipation et de dérégulation, par les partis de gauche comme de droite, a été d'augmenter le fardeau qui pèse sur l'individu désormais voué à s'autoréguler, constate-t-il. Il suffit de jeter un œil au rayon "développement personnel" d'une librairie : le personnage central du grand récit contemporain est un être soumis à l'impératif de choisir ce qu'il veut être et de mettre en oeuvre cette transformation grâce à sa volonté. Sauf qu'apparemment l'individu contemporain ne s'en sort pas très bien sur ce front, si l'on en juge par des indicateurs comme les taux d'obésité, d'endettement, de divorce, d'addictions y compris technologiques... »

 

Matthew Crawford préfère, en bon réparateur de motos, appeler à remettre les mains dans le cambouis. Autrement dit à « s'investir dans une activité qui structure notre attention et nous oblige à "sortir" de nous. Le travail manuel, artisanal par exemple, l'apprentissage d'un instrument de musique ou d'une langue étrangère, la pratique du surf [NDLR : Crawford est aussi surfeur] nous contraignent par la concentration que ces activités imposent, par leurs règles internes. Ils nous confrontent aux obstacles et aux frustrations du réel. Ils nous rappellent que nous sommes des êtres "situés", constitués par notre environnement, et que c'est précisément ce qui nous nous permet d'agir et de nous épanouir ». Bref, il s'agit de mettre en place une « écologie de l'attention » qui permette d'aller à la rencontre du monde, tel qu'il est, et de redevenir attentif à soi et aux autres — un véritable antidote au narcissisme et à l'autisme.

“Le monde ­actuel privatise le silence qui rend possible l'attention et la concentration”

Est-ce aussi un appel à mettre plus de zen ou de « pleine conscience » dans nos vies, comme le faisait déjà un autre auteur-réparateur de motos, l'Américain ­Robert Pirsig dans un roman devenu culte, le Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes ? Non, rétorque Crawford, car l'enjeu n'est pas qu'individuel. Il est foncièrement politique. « L'attention, bien sûr, est la chose la plus personnelle qui soit : en temps normal, nous sommes responsables de notre ­aptitude à la concentration, et c'est nous qui choisissons ce à quoi nous souhaitons prêter attention. Mais l'attention est aussi une ressource, comme l'air que nous respirons, ou l'eau que nous ­buvons. Leur disponibilité généralisée est au fondement de toutes nos activités. De même, le silence, qui rend possible l'attention et la concentration, est ce qui nous permet de penser. Or le monde ­actuel privatise cette ressource, ou la confisque. » La solution ? Faire de l'attention, et du silence, des biens communs. Et revendiquer le droit à « ne pas être interpellé »...

Matthew Crawford
Chercheur en philosophie à l'université de Virginie et réparateur de motos
2010 : Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail. Ed. La Découverte

A lire
Contact. Pourquoi nous avons perdu le monde et comment le retrouver, de Matthew B. Crawford, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marc Saint-Upéry et Christophe Jaquet. Ed. La Découverte, 2016, 352 pages, 21 €.

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24/04/2013

Jean-Claude Carrière, une fenêtre ouverte sur l’histoire du cinéma (Télérama)

RENCONTRE VIDÉO

Mots clés eBuzzing :

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Il a écrit pour Buñuel, Etaix, Godard, Milos Forman et vient de signer le scénario de “Syngué Sabour” d'Atiq Rahimi. Jean-Claude Carrière revient sur les films de sa vie.

Le 21/02/2013 à 12h17 - Interview et réalisation : Jean-Baptiste Roch et Jérémie Couston.


Jean-Claude Carrière, une fenêtre ouverte sur... par telerama
Jean-Claude Carrière, une fenêtre ouverte sur... par telerama

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01/05/2012

Télérama sur les recruteurs et leurs méthodes. Violentes? Asservissements volontaires ?

Le développement des “méthodes qualité”

http://television.telerama.fr/television/polemiques-en-ca...

http://television.telerama.fr/television/les-recruteurs-d...

Polémiques en cascade autour de “La Gueule de l’emploi”

Le 28 octobre 2011 à 17h15    -    Mis à jour le 31 octobre 2011 à 9h41

Le 6 octobre, sur France 2, était diffusé “La Gueule de l’emploi”. Un documentaire qui dénonçait les processus de recrutement et la violence du monde du travail. Les recruteurs, cloués au pilori sur Internet, se défendent.

10 réactions

Dans le documentaire “La Gueule de l'emploi”, un processus de recrutement qui a choqué les téléspectateurs. DR.

Décidément, le documentaire La Gueule de l’emploi, réalisé par Didier Cros et diffusé sur France 2 le 6 octobre 2011, n’en finit plus de susciter des réactions. Après les nombreuses critiques à la fois enthousiastes (sur la forme) et horrifiées (sur le fond) de l’ensemble de la presse, et notamment à Télérama (qui l'a diffusé en avant-première sur Télérama.fr), les téléspectateurs ont multiplié les commentaires sur Twitter, dans des blogs ou des forums de discussion, partageant leurs émotions entre colère, ironie et incrédulité : « Je n’arrive pas à prendre ce film pour ce qu’il est présenté : un documentaire sur une cession de recrutement ».

« Mon travail s’arrête au film »
Filmant in extenso une session de recrutement organisée par le cabinet RST Conseil pour le groupe GAN, le réalisateur Didier Cros ne s’attendait pas à de telles réactions : « Le film a cristallisé une forme de colère sociale, et l’Internet a servi d’exutoire. Dans mon travail je mets en avant l’humain. Avec ce projet, j’ai tout fait pour rendre impliquant le film pour les téléspectateurs, ce qui explique peut-être les réactions brutales ».
Depuis dix ans, Didier Cros privilégie un travail en immersion, souvent en huis clos, autour de thématiques de société – les sans logis dans Un ticket de bains douches, le handicap dans Parle avec moi, les jeunes réfugiés afghans dans Ado d’ailleurs, la prison dans Parloirs et Sous Surveillance, diffusés prochainement sur France 2. Visiblement un peu dépassé par les polémiques, il précise : « Mon travail s’arrête au film ».

Suite à la diffusion, un internaute a créé un site Internet sur lequel il donnait les coordonnées personnelles des recruteurs qui apparaissent dans le film, et invitait les internautes à exprimer « la gêne, la colère ou le dégoût » ressentis en contactant lesdits recruteurs par téléphone ou en imprimant des affiches et des flyers afin « de les déposer dans les zones géographiques où vivent ces personnes » !

Très vite, suite à une mise en demeure du GAN, le site a été fermé par son son auteur, Baptiste Fluzin (@soymalau sur Twitter), qui tient à s’expliquer : « Je savais pertinemment que les adresses étaient l'élément clé, qui déclencherait la réaction en chaîne. Aujourd’hui, lorsque l'on délivre un message trop policé, trop réfléchi, les gens ne le lisent même plus. Il me fallait donc choquer ! Mais l'idée n'était absolument pas de dire : “Voici l'adresse des recruteurs, allez leur casser la gueule” ».

Pour Didier Cros, cette initiative est « irresponsable » et « son auteur a fait un contre-sens sur mon film. Je n’invite pas au lynchage public. Le film est plus subtil qu’une opposition entre bons et méchants. Je propose une analyse, pas un règlement de compte. Ce qui m’intéressait, c’était plutôt pointer la question de l’asservissement volontaire ». Reste que suite à la création du site de Baptiste Fluzin, plusieurs personnes ont tenté d’entrer dans le cabinet de recrutement RST Conseil. Le standard de l’entreprise a également reçu de nombreux coups de téléphone d’insultes, comme chez GAN, où un salarié témoigne : « On s’est fait traités de porcs par quatre personnes le jour même de la création du site ».

« Le film a évolué au cours du projet »
Face aux critiques, Rogers Teunkam, l'un des deux associés de RST Conseil, a décidé de s'exprimer. Sur Télérama.fr, il estime que le réalisateur lui a caché l’angle véritable du docu – ce qui arrive parfois, pour ne pas effaroucher ceux que l'on veut filmer. Dans la note de présentation du projet, Didier Cros explique « qu’il s’agit certes d’offrir une parole aux candidats à l’emploi, mais aussi aux professionnels du recrutement, premiers observateurs de cette étape majeure : la mise en relation d’un candidat et d’une entreprise ». Le réalisateur mentionne « l’originalité » du « positionnement » de RST Conseil, et précise : « Sa technicité ainsi que le dynamisme de ses dirigeants nous ont séduits ». Mais au final, il s’intéresse en fait surtout aux candidats. « Le film a évolué au cours du projet, explique t-il. Un documentaire, c’est le regard d’un auteur. Je n’ai pas fait un film informatif. Je ne suis pas journaliste. Mon film, c’est principalement le point de vue des candidats ». Il interviewera les recruteurs pendant quatre heures pour n’en retenir que quelques secondes au montage : « Ils n’avaient aucune distance avec leur fonction et ils ne m’ont tenu qu’un discours de com’ ».

Plus ennuyeux : selon une personne ayant participé au projet du documentaire, mais souhaitant conserver l’anonymat, le processus de recrutement tel qu’il apparaît dans le film n'est pas le processus habituel. « Pour le film, tout a été chamboulé. Un process de sélection normal se déroule sur une journée, » or, selon cette source, « Didier Cros a soumis [aux dirigeants de RST Conseil, NDLR]un projet d'accord dans lequel apparaissaient des étapes nouvelles dans le process entièrement ajoutées par son équipe. Par exemple l'emploi du test de personnalité “Thomas” qui est assez fréquent pour des postes à grandes responsabilités. Concernant la “vente du voisin”, il a demandé à ce que soit reformulée la présentation de cet exercice pour que les candidats soient “dans la vente” et non dans la mise en valeur du CV de leur voisin : généralement, les candidats s'appuient sur les CV puisque les recruteurs ne les connaissent pas. Le débat du deuxième jour est une idée de lui, afin de voir s’opposer les candidats en frontal… Enfin, le point le plus important, le déroulement sur deux jours, du jamais vu chez RST… » Didier Cros affirme de son côté que ces changements se sont décidés en concertation avec RST Conseil et tient à préciser : « Ils ont validé absolument tout ce qui a été mis en place. Ils étaient tout à fait au courant de la procédure ».

Mises en scènes et pressions ?
Autre point litigieux : les dirigeants de RST Conseil disent que le réalisateur a décidé lui-même de certaines mises en scène et d'éléments du décor – la disposition des tables, l’entrée des membres du jury un à un, par l’arrière, à travers un grand rideau noir, le choix des vêtements portés par les membres du jury. Ils affirment même que Didier Cros aurait fait pression sur le jury. L'intéressé s'en défend : « C’est vrai que je leur ai dit que je voulais retrouver dans le film ce que j’avais vu lors des sessions qu’ils m’avaient permis de voir avant le tournage. Alors qu’ils étaient un peu crispés, au début, devant les caméras, car ils pensaient à leur boîte, je leur ai rappelé que l’idée du film était de faire comme d’habitude ». Le réalisateur est en tous cas formel : « Je n’ai absolument pas été interventionniste. Le film n’était pas écrit d’avance, les gens n’ont pas été pilotés, et je ne savais pas ce que les gens allaient donner. C’est sûr que Rogers Teunkam est beaucoup dans la théâtralité. Au final, tous jouent un rôle dans leur fonction, mais ils n’en mesurent pas la conséquence ».

Le documentariste assure également avoir parlé avec les dirigeants de RST Conseil après qu’ils ont vu le documentaire, et ces derniers, selon lui, ne l’auraient pas trouvé « déloyal ». « En fait, ils s’attendaient à ce que tout le monde trouve ça formidable. Ils ne sont pas sentis trahis par le film ». Une employée de RST Conseil explique pourtant : « Quand nous avons vu le film avec nos patrons, ces derniers se sont décomposés… ». Et pour cause, GAN représenterait près de 80 % du chiffre d’affaires du cabinet de recrutement. Jusqu’à présent, entre onze et seize sessions de recrutement par mois étaient organisées pour l’assureur. Suite aux polémiques, GAN aurait décidé de suspendre sa collaboration avec RST Conseil. Les emplois d’au moins huit salariés sont en jeu. Des informations que le cabinet n’a pas voulu confirmer.

Selon un spécialiste du secteur, « la profession DRH et les cabinets de recrutement profitent de ce film pour faire de RST Conseil un bouc émissaire ». Alain Gavand, l’un des « déontologues » du recrutement, a écrit une tribune prenant ses distances avec RST Conseil, pourtant membre fondateur de son association, À compétence égale. Notre témoin anonyme conclut : « Je savais qu’on allait à la boucherie. Cros nous a expliqué que pour vendre son documentaire à France 2, il lui fallait du “sensationnalisme” et surtout “des personnages”. Nous faisons habituellement du bon travail, mais la perspective d’être médiatisé a fait prendre la grosse tête à Teunkam et Babayou qui adorent se mettre en valeur ». N’était-ce pas l’idéal pour Didier Cros qui souhaitait à travers ce documentaire filmer « la comédie du travail » ? Une scène du documentaire résume « l’affaire ». Celle où le réalisateur lance à Rogers Teunkam : « C’est comme ça qu’on commence à Hollywood ». Et où le recruteur part dans un éclat de rire…

Lire aussi l'entretien avec Rogers Teunkam.

Marc Endeweld

Le 28 octobre 2011 à 17h15    -    Mis à jour le 31 octobre 2011 à 9h41

 

10 réactions

VOS AVIS (10 COMMENTAIRES)

RouetM - le 31/10/2011 à 09h52

Quoiqu' il en soit.. il est évident que la position de "recruteur" est souvent doublée d'un sentiment de toute - puissance. Qu' aussi, à force aussi de vouloir faire rentrer des humains dans des cases, le côté " humain" de l'entreprise part en miettes. bon.. c'est la vie d'aujourd'hui. C'est comme çà. Il y a deux ans, j'ai voulu monter avec un ami un site " Sherlock Job", permettant , et de façon objective, à des candidats de donner des quotations sur le service de recrutement des entreprises qui les avaient reçu. Sur base d'une vingtaine de critères. ( par exemple adéquation entre le contenu de l'annonce et ce qui était vraiment proposé etc etc). Une moulinette permettait de créer une moyenne globale, par entreprise, par secteur de métiers, secteur géographique etc etc. Intéressant aussi pour les services RH des entreprises, qui pouvaient bien sûr consulter ces données, les comparer avec celles d'entreprises concurrentes etc. et redresser le "tir " s'il y avait raison d'être. Nous avions reçu le soutien financier ... d'une compagnie d 'assurances.. Mais très vite nous avons reçus menaces et pressions. Le site n'a jamais vu le jour..
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RouetM - le 31/10/2011 à 09h50

Quoiqu' il en soit.. il est évident que la position de "recruteur" est souvent doublée d'un sentiment de toute - puissance. Qu' aussi, à force aussi de vouloir faire rentrer des humains dans des cases, le côté " humain" de l'entreprise part en miettes. bon.. c'est la vie d'aujourd'hui. C'est comme çà. Il y a deux ans, j'ai voulu monter avec un ami un site " Sherlock Job", permettant , et de façon objective, à des candidats de donner des quotations sur le service de recrutement des entreprises qui les avaient reçu. Sur base d'une vingtaine de critères. ( par exemple adéquation entre le contenu de l'annonce et ce qui était vraiment proposé etc etc). Une moulinette permettait de créer une moyenne globale, par entreprise, par secteur de métiers, secteur géographique etc etc. Intéressant aussi pour les services RH des entreprises, qui pouvaient bien sûr consulter ces données, les comparer avec celles d'entreprises concurrentes etc. et redresser le "tir " s'il y avait raison d'être. Nous avions reçu le soutien financier ... d'une compagnie d 'assurances.. Mais très vite nous avons reçus menaces et pressions. Le site n'a jamais vu le jour..
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Teoyan - le 31/10/2011 à 09h32

Je n'ai pas vu ce reportage mais les réactions ne m'étonnent pas. Je suis entrepreneur, ex- membre de direction d'une PME, ex- salarié de grands groupes, les RH en entreprise vous apprennent à vous en méfier comme de la peste et les gens qui s'en occupent devraient se poser des questions sur eux-mêmes et leurs motivations, car il détiennent un pouvoir discrétionnaire fort dans l'entreprise, ce sont souvent des personnes à la botte, des petits soldats, qui oublient souvent qu'ils ne sont QUE des salariés... C'est la dernière fonction que je recruterai dans mon entreprise (et encore), et pour les recrutements, on s'en occupera nous mêmes. Quant aux consultants en RH... no comment.
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shadock-06 - le 31/10/2011 à 07h49

Le film est visible ici:
http://www.youtube.com/watch?v=FR271UHde4E
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Orotava - le 31/10/2011 à 07h33

« On s’est fait traités (sic) de porcs par quatre personnes le jour même de la création du site ».
@ telerama.fr : vous devriez vous autoriser à corriger l'orthographe des propos cités (surtout si vous avez recueilli le témoignage oralement...)
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paraclet - le 29/10/2011 à 15h18

Ken Loach a traité le sujet dans 'it's a free world' il me semble que le mode de recrutement et les moeurs libérales tendent à l'universalité du harcèlement tranquille. Un fonctionnement social prévu par la théorie du mimétisme...
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Founious - le 29/10/2011 à 09h15

Internet a ceci de très intéressant, c'est qu'il peut désormais empêcher certains d'agir impunément : on réfléchira peut-être à deux fois avant de licencier une hôtesse de caisse pour avoir ramassé un ticket de caisse, ou de licencier un employé pour avoir récupéré des légumes périmés, et l'on ne condamnera peu-être plus à 18 mois de prison un SDF malien sur simple dénonciation calomnieuse après une enquête bâclée (Vamara Kamagate est décédé début juillet 2011)... L'information va maintenant très vite, obligeant certains à prendre leur responsabilité et les empêchant d'agir dans l'ombre. Policiers, magistrats, officiers supérieurs, députés, recruteurs, contremaîtres, et autres petits chefs de services, dormiront certainement moins tranquilles...
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benBOULOGNE - le 29/10/2011 à 00h27

Quand on regarde ce reportage, il y a quelque chose de frappant: alors que la parole est donné en permanence aux candidats, à aucun moment les recruteurs ne sont interrogés sur ce qu'ils font, comment et pourquoi ils le font. La communication est à ce sens unique.....A charge!
Ce documentaire, si tant est que l'on puisse encore lui donner ce nom, pose un problème de fond....qui valide et vérifie la véracité, la validité des choix d'un réalisateur, comment la chaine qui diffuse de tels reportages s'assure t'elle de la validité des infos qui y sont transmises à un public pouvant aller jusqu'à plusieurs millions de personnes dont certaines vont jusqu'à la délation publique avec des méthodes digne d'une époque que l'on préfèrerait oublier..?
Quel crédit apporter à toutes les émissions dites "d'investigation" quand on voit les manipulations dont celle-ci a manifestement fait l'objet de sa réalisation à son montage?
Cet exemple n'est pas de nature à nous rassurer sur la qualité des informations que la télévision aujourd'hui nous apporte, et c'est malheureux.
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Nykopol - le 28/10/2011 à 20h06

De deux choses l'une : ou on se fout de l'a gueule du monde et on diffuse une documentaire bidonné ou on assume le côté "fiction" de l'exercice, mais en aucun cas on ne prend les gens pour des cons et on ne joue certainement pas avec les nerfs des plus fragiles : il y a quand même eu en france depuis plus d'un an des salariés de grandes entreprises qui se sont foutus par la fenêtre parce qu'ils ne supportaient plus leurs conditions de travail et la pression de leur hiérarchie!
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Magalie_tutu - le 28/10/2011 à 18h15

Malheureusement ce genre de pratiques sont courantes... Alors bien sûr M. Didier Cros doit se réjouir, son documentaire a buzzé, mais si les faits reprochés sont avérés il s'agit tout de même d'une manipulation qui a eu un préjudice important sur les personnes filmées et sur la boîte. Ca ressemble plus à un lynchage médiatique qu'à un vrai travail de fond sur les méthodes de recrutement et la situation actuelle des chômeurs. Alors maintenant va-t-on créer un site fournissant les coordonnées de M. Didier Cros??

Les recruteurs de “La Gueule de l'emploi” contre-attaquent

Le 28 octobre 2011 à 17h15    -    Mis à jour le 31 octobre 2011 à 10h34

Responsable du cabinet de recrutement RST Conseil, mis en cause dans “La Gueule de l'emploi” (France 2), Rogers Teunkam estime que le documentaire donne “une image biaisée” de son travail.

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Debout, Rogers Teunkam, recruteur de RST Conseil, dans le documentaire “La Gueule de l'emploi”. DR.

Comment avez-vous réagi au site Internet qui publiait les coordonnées personnelles des recruteurs présents dans le documentaire ?
Rogers Teunkam : J’étais décontenancé, comme le reste de mon équipe, par la diffusion du documentaire dans lequel nous n’avons pas du tout retrouvé ce que nous faisons au quotidien chez RST Conseil. L’image que l’internaute a eue de nous est totalement différente du message que nous voulions faire passer. Nous nous efforçons chaque jour de donner une chance à ceux qui ont été inactifs pendant un certain temps. A travers ce documentaire, cette idée a été dénaturée. Ce film ne donne qu’une image biaisée de notre métier, où il est extrêmement important d’aimer les gens, d’éprouver de l’empathie, de les sentir pour pouvoir les évaluer. On comprend que le téléspectateur puisse retenir de ce reportage une mauvaise idée du processus de recrutement.

Vous comprenez donc l’émotion suscitée par ce documentaire ?
Bien entendu, comment ne pas comprendre cette émotion ? Moi-même, au visionnage, j’ai été choqué ! Le travail de Didier Cros exprime son point de vue. Mais je pense que quelqu’un d’autre avec les mêmes images aurait pu présenter un visage tout à fait différent de notre travail. Je ne connaissais pas les techniques et les méthodes de la télévision. Je me suis aperçu que les images, c’est comme les chiffres : on peut leur faire dire ce que l’on veut !

Comment le réalisateur Didier Cros vous a-t-il présenté son projet ?
Nous lui avons permis d’observer plusieurs de nos sessions de recrutement. Il a nous a expliqué qu'il était intéressé de tourner avec notre cabinet parce qu’on donne une chance à ceux qui ont connu des accidents de parcours : il avait remarqué que dans nos sessions, il y avait des gens qui avaient subi des cassures, de tous âges, sexes, origines… Une diversité importante à ses yeux et qu’il ne retrouvait pas systématiquement ailleurs. Et puis, il nous trouvait, mon associé et moi, dynamiques et sympathiques, comme il le rappelle dans sa note. Voilà les circonstances de la rencontre, et l’objet du documentaire qui devait d’ailleurs s’appeler au départ : « Il y a un trou dans votre CV ».

Pourquoi avoir accepté ce projet ?
Nous pensions que donner une chance à ceux qui ont été mis de côté, et que souvent la société stigmatise, est une bonne chose. On veut dire aux candidats : « Vous avez tous une chance d’être recruté et de réussir à condition de le vouloir ».
Vous avez l’impression qu’il y a une différence entre l’intention de départ et le produit fini ?
C’est un travail techniquement de qualité, mais par rapport à notre travail au quotidien, ce n’est pas complet ! Trois exemples. A un moment du film, les candidats disent : « On ne sait pas pourquoi on est là ». Or, il y a quand même eu un tournage au cabinet, non montré, où nos chargés de recrutement convoquaient les candidats par téléphone avec des informations sur l’entreprise, le poste et la rémunération. Il est évident qu’on ne fait pas venir quelqu’un en session sans que celui-ci sache auparavant de quoi il s’agit !

Le deuxième élément est que le tournage a duré deux jours par la volonté du réalisateur et de la production, alors que nos sessions se déroulent habituellement sur une journée. Or, dans le documentaire, on laisse croire que nos sessions durent deux jours.

Troisième élément, la rémunération. Celle d’un vendeur est composée d’un fixe et d’une partie variable. Or, dans le film, l’on s’arrête volontairement sur la rémunération fixe, ce qui suscite les réactions du type : « Tout ça pour un smic ».Le réalisateur aurait pu laisser davantage développer le système de rémunération pour une meilleure information des téléspectateurs.
Comment s’est déroulé le travail de Didier Cros avec vous ?
Il a participé à plusieurs sessions animées par mon associé et moi-même. Avant le tournage proprement dit, il a filmé les présélections téléphoniques, et a tenu à rencontrer un maximum de candidats à l’extérieur afin d’affiner son choix. On lui a présenté un peu plus d’une trentaine de candidats, il en a retenu douze, et le jour de la session, dix se sont présentés.

Didier Cros a-t-il modifié le déroulement habituel du recrutement ?
Il voulait une grande salle, et on lui a prêté les locaux de l’un de nos clients. Durant le tournage, il ne cessait de nous dire de « mettre plus la pression » sur les candidats. « N’hésite pas à les chercher », « n’hésite pas à les pousser dans leur retranchement », « n’aie pas peur », « tu ne vas pas assez loin, je n’ai pas assez de matière ». Il nous rassurait en nous disant : « Je reverrai tout cela au montage ».C’était la première fois que nous participions à un documentaire, nous nous en remettions à son professionnalisme. Il fallait créer une ambiance dure pour que ce soit parlant à l’écran.

Un effet dramatique a été crée par la disposition de la table d’entretien, par les grands rideaux noirs. D’habitude, les candidats ne sont pas face à ce décorum qui les impressionne. Dans le documentaire, les recruteurs arrivent par ce dispositif comme si c’était un jury de tribunal. On lui a fait la remarque, et il nous a répondu que cette mise en scène répondait aux exigences de la lumière. Il souhaitait également la présence des deux associés du cabinet : « Vous avez une belle complicité », disait-il. Du coup, chaque candidat se retrouvait devant cinq recruteurs, ce qui renforçait l’effet tribunal.

Mais pourquoi avoir accepté ces conditions ?
Nous lui avons fait totalement confiance, peut-être trop. Dans notre naïveté et face aux caméras qui créent une distanciation avec soi-même, on s’est trouvé à exécuter ses directives, il nous rassurait. Sans oublier à quel point la caméra pouvait, en choisissant un point de vue, déformer la réalité. Nous n’avons pensé à aucun moment que cela pouvait être contre nous.

Avez-vous l’impression d’avoir été instrumentalisé ?
Oui. Quand on voit comment les candidats ont répondu aux questions posés par le réalisateur lors des interviews qui ont suivi le documentaire, on peut se demander quel a été le fil directeur des questions posées. On peut, à travers les réponses données par les candidats, retrouver le message que le réalisateur voulait faire passer. Les mêmes thèmes reviennent : l’humiliation, la déstabilisation, la soumission, le chômage, le système, l’infantilisation… En permanence, ces mots reviennent comme une musique lancinante, écrite à l’avance, un refrain à prononcer à chaque fin de phrase.

Didier Cros explique qu’il a essayé de préserver un certain « équilibre »
Quand je regarde le documentaire, l’équilibre, je ne sais pas où il se situe. Nous avons fait quatre heures d’interview avec lui au Forum des images, soi-disant pour répondre aux remarques des candidats. Les quatre heures d’interview se résument à dix secondes à la fin du documentaire !

Vous avez pu visionner le film avant la diffusion ?
Didier Cros nous a prévenus seulement deux semaines avant que son film allait être diffusé le 6 octobre sur France 2. A ce moment là, nous lui avons demandé s’il y avait un moyen de le voir avant, ne serait-ce pour prévenir les clients, les amis… Il nous a dit alors : « On essaye de tout faire pour que vous puissiez le voir avant, mais je ne vous promets rien ». Quelques jours plus tard, il nous rappelle : « Ecoutez, je vais vous donner les coordonnées de la responsable documentaire de France 2, essayez de plaider votre cause auprès d’elle, peut-être qu’elle sera plus sensible, mais de notre côté, on a tout fait, ça n’a pas été accordé ». Nous l’avons alors appelée. C’est une femme au demeurant très gentille qui nous a parlé de la position des juristes de France 2 : « On ne peut pas visionner les documentaires avant diffusion ».

Sur le site de France 2, le documentaire était toujours appelé « Il y a un trou dans votre CV », mais l’article associé commençait à nous refroidir. On rappelle alors Didier Cros qui nous dit : « Mais non, ne vous inquiétez pas, ça se passe toujours comme ça… ». Quelques jours encore après, on apprend qu’il y a eu une diffusion à la RTBF, et les commentaires commencent à fuser sur Internet. On apprend aussi qu’il y a eu une présentation presse, sans qu’on y soit invité, et toute la presse télé commence à se déchaîner sur le documentaire, « un film haletant de Didier Cros à ne pas louper… ». Et c’est là qu’on a commencé à se demander ce qui se passait. On avait prévu de déjeuner avec Didier Cros et sa productrice, à qui on demande pourquoi le documentaire s’appelle désormais La Gueule de l’emploi. Ils nous répondent que c’est France 2 qui a insisté pour changer le titre. On a fini par télécharger le documentaire deux jours avant sa diffusion grâce à un téléspectateur belge qui nous a envoyé un lien. Et c’est de cette manière là que nous avons pu regarder le film avant.

Pourquoi n’avez-vous pas réagi immédiatement ?
On a été dans un premier temps atterré. Dans notre cabinet, ni moi, ni mon associé n’avons l’habitude des médias. Après tout nous ne sommes que de simples chefs d’entreprise. Notre premier rôle est de rassurer nos employés et nos partenaires. Et même si on avait voulu réagir, qu’est ce qu’on aurait pu faire ? Auprès de qui ? La diffusion avait lieu deux jours plus tard. On était abattu.

Quelles sont les conséquences pour votre RST Conseil ?
Nous pensons que ceux qui nous connaissent depuis des années ont déjà testé nos méthodes et évalué leur sérieux. Ils nous ont heureusement renouvelé leur confiance. Cependant, ce reportage, en donnant une image aussi négative de notre travail, va hélas rendre nos prospections futures très délicates. On espère néanmoins que le public pourra aller au delà de ce parti-pris qui ne montre aucunement tout le travail fait en amont et en aval.

Propos recueillis par Marc Endeweld

Le 28 octobre 2011 à 17h15    -    Mis à jour le 31 octobre 2011 à 10h34

 

5 réactions

VOS AVIS (5 COMMENTAIRES)

marieP - le 31/10/2011 à 08h26

Et bien messieurs les recruteurs vous me semblez bien naïfs!
Quand votre métier est de recruter THE super employé pour vos clients, à vous voir si facile à manipuler et abuser je me demande qui vous a recrutés vous!
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Davesnes - le 31/10/2011 à 03h24

Pourquoi avoir accepté ce projet ?
Rogers Teunkams :
"Nous pensions que donner une chance à ceux qui ont été mis de côté, et que souvent la société stigmatise, est une bonne chose. On veut dire aux candidats : « Vous avez tous une chance d’être recruté et de réussir à condition de le vouloir »."
Tout la monde à sa chance ! Ça y est, Bernard Tapie est revenu. Ce type nous prend vraiment pour des billes. Le chômage repart au galop et il ose nous dire que chacun à sa chance. Comme s'il n'y avait rien de structurel.
Je regrette que le gars qui donnait leur adresse ait dû fermer son site. Ils méritent qu'on leur envoie des tombereaux de fumier, ces s....
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n1co_m - le 28/10/2011 à 20h15

Ouais, enfin, le rideau, le salaire (dont on avait compris Monsieur, qu'il était accompagné d'une prime sur objectif. Ce mec prend vraiment les gens pour des cons, dans et hors le film...), c'est pas ce qu'il y avait de plus choquant dans le docu. Le bonhomme ne se justifie absolument pas sur son comportement vis-à-vis des candidats. Ni sur cette petite remarque hallucinante autour de la machine à café, où les types s'étonnent "qu'en temps de crise" il reste des gens qui ne sont pas prêts à n'importe quoi pour un taf (sous payé, qui plus est)...
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genielambda - le 28/10/2011 à 19h23

Trop marrant le rea qui balance : "ah ça va être compliqué de le voir avant diffusion. On a tout fait mais c'est pas possible!!". Toute personne qui bosse dans la Tv ou le ciné sait pertinemment que des projections privées sont organisées avant la diffusion sur les chaînes. Ce rea est juste malhonnête et savait très bien quelle serait la réaction des personnes filmées! Surtout que c'est pas ce qu'on peut appeler de l'investigation (les personnes sont consentantes et y a clairement de la mise en scène) donc il n y a aucune raison de ne pas dévoiler le documentaire avant sa diffusion, sauf si on a quelque chose à cacher...
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Sunny75 - le 28/10/2011 à 18h01

C'est un autre son de cloche que l'on entend cette fois-ci. Le réalisateur Didier Cros avait argué de sa bonne foi, prétendant que les intéressés avaient visionné le docu avant la diffusion, ce qui apparemment est un mensonge... C'est vrai que le documentaire sent quand même la mise en scène, par le choix des angles de caméra, les décors, qui sont porteurs de sens. J'attends la réaction du réalisateur qui doit répondre à tous les points abordés ici et qui laissent fortement suspecter une mauvaise foi intellectuelle.
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19:35 Publié dans Management, Parcours professionnel, Télérama | Lien permanent | | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | |

29/02/2012

Télérama : La société de renseignement Stratfor, nouvelle cible de WikiLeaks

Le 27 février 2012    -    Mis à jour le 28 février 2012 à 9h54

Le site de Julian Assange dévoile les méthodes peu scrupuleuses de Stratfor, une des plus influentes sociétés américaines de renseignements.

photo : alamosbasement licence Flickr Creative Commons

La concomitance de temps est troublante, sinon ironique. Moins d’une semaine après l’inculpation formelle de Bradley Manning –  le soldat américain soupçonné d'avoir transmis à WikiLeaks des mémos diplomatiques – le site de Julian Assange a entamé le 27 février la publication de cinq millions de courriels de la société de renseignement américaine Stratfor.

Baptisés « Global Intelligence Files », ces échanges électroniques prouveraient les liens quasi-incestueux qu’entretient l’entreprise avec ses clients privés ou gouvernementaux, et couvrent une période qui s’étend de 2004 à 2011.

« Les emails de Stratfor montrent leurs réseaux d’informateurs, leurs structures de versement de pots-de-vin, leurs techniques de blanchiment d’argent ou l’utilisation de méthodes psychologiques », écrit l’organisation de Julian Assange dans un communiqué.


Stratfor a été fondée au Texas en 1996 par George Friedman, un analyste américain d’origine hongroise porté sur la géopolitique et la futurologie. Dans les premiers échanges publiés par WikiLeaks, Stratfor ressemble moins à une officine des services de renseignement (le magazine financier Barron’s la considère comme une « CIA de l’ombre ») qu’à un nid d’espions à la petite semaine. On y apprend que le géant des produits chimiques, Dow Chemical, a sollicité Stratfor pour surveiller les Yes Men (les activistes rigolos avaient ridiculisé la multinationale lors du 20e anniversaire de la catastrophe de Bhopal) ; Coca-Cola a requis le même service, pour garder un œil sur les activités de la PETA, la puissante association de défense des animaux.

Retour au hacking
Le principe de Stratfor est simple : vendre du renseignement ouvert saupoudré d’analyse comme une information top secret. Et le vendre très cher.

Owni, seul partenaire français de WikiLeaks pour cette nouvelle fuite, détaille avec précision le modus operandi de l’entreprise. Et les clients sont nombreux à mordre à l’hameçon. On y retrouve même plusieurs médias, du Kyiv Post ukrainien au Global Times chinois en passant par Hurriyet, l’un des plus grands quotidiens turcs.

Baptisés « Confederation Partners », tous ces titres ont souhaité bénéficier de l’« expertise » de Stratfor, malgré ses méthodes pour le moins opaques.

Et maintenant, la question rituelle : d’où WikiLeaks tient-il ces documents? Cette fois-ci, point de taupe à l’horizon, puisqu’il s’agit d’un cadeau des Anonymous. Au moins de décembre, la « section » Antisec du groupe décentralisé d’activistes en ligne avait annoncé avoir mis la main sur les données personnelles de 4 000 abonnés de Stratfor, ainsi que sur 200 gigas de courriels.

Dans ce paysage recomposé autour du hacking, le divorce avec les gros médias semble par ailleurs consommé, ce qui clôt définitivement la parenthèse ultra-médiatique qu'a connu le site entre 2010 et 2011. Exit le New York Times, le Guardian ou Le Monde (Julian Assange est très fâché avec les deux premiers), bonjour Rolling Stone (qui avait publié une longue interview d’Assange en janvier), Nawaat (l’emblème de la révolution tunisienne) ou Dawn (le principal quotidien pakistanais).

En tout, ce ne sont pas moins de 25 organes de presse, tous supports confondus, qui appuient WikiLeaks dans cette nouvelle aventure. Avec une légère contrepartie : faire état des difficultés du site d’Assange, qui après avoir suspendu temporairement ses publications, réclame des dons pour assurer sa « survie financière ».

Olivier Tesquet

Le 27 février 2012    -    Mis à jour le 28 février 2012 à 9h54

VOS AVIS

Breizatao - le 28/02/2012 à 08h30

Bravo Wikileaks, je suis à la lecture du livre de Noami Klein "La stratégie du choc ou le capitalisme du désastre" dont le grand promotteur a été Georges Bush qui a privatisé tous les services de sécurité du pays y compris l' armée... une pure folie et tout ça avec son fameux copain Friedman !
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beeee - le 27/02/2012 à 20h19

"sur les données personnelles de 4 000 abonnés de Stratfor, ainsi que sur 200 gigas de courriels"
Et ces gentils hackers au grand cœur ont dans la foulée mis la main sur les numéros de carte bancaire des utilisateurs. Et, me dit-on, comme dirait Moati, certains ont essayé de se servir....
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00:12 Publié dans Modernité, Télérama | Lien permanent | | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | |