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03/11/2018

Melancholia (extrait) - Victor Hugo - Les Contemplations

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! »
O servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain ! -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? que veut-il ? »
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
O Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

    Victor Hugo, Les Contemplations, Livre III

18:53 Publié dans Culture | Lien permanent | | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | |

04/07/2018

Les algorithmes les plus innocents sont dangereux : le théorème de Launay

Mickaël Launay, mathématicien, est l'auteur notamment du livre pour faire aimer les Maths : "Le grand roman des maths".

Il a fait sa thèse sur les processus de hasard renforcés, il décortique ici, ce à quoi conduisent les algorithmes de hasard renforcé, comme les appliquent Youtube, Google, Apple, Facebook, Amazon ...

Bilan on renforce de façon exclusive des comportements, soit hyper-conformistes, soit hyper-antagonistes...

Cette conclusion, mathématiquement élaborée, conduit à s'interroger sur le type d'Intelligence Artificielle à inventer pour ne pas tomber sur ces biais.

Personnellement je pense qu'on finira par se rendre compte un jour, que perfectionner l'IA n'ira pas beaucoup plus loin en terme de potentiel effectif que ce qu'on sait déjà obtenir d'une société d'hommes convenablement éduqués.


Quant aux performance dans les traitements qu'elle peut offrir, elles buteront toujours sur les imperfections inhérente à leur conception, comme les humains !

https://www.youtube.com/watch?v=DKvV1S3B4Uc

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02/03/2017

La richesse et la célébrité sont-elles vraiment les plus importantes ?

Lorsqu’on demande à de jeunes adultes quel est le but de leur vie, ils répondent à 80% qu’ils veulent devenir riches, et à 50% qu’ils veulent devenir célèbre également.

Mais est-ce que la richesse et la célébrité sont des facteurs qui peuvent vous rendre heureux et en bonne santé durant toute votre vie ?

Ce n’est pas une question à laquelle il est facile de répondre.

Dans cette vidéo, le psychiatre Robert Waldinger propose néanmoins quelques éléments de réponse.

Mots clés Technorati :
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27/01/2017

Télérama - Palantir, l'encombrant ami américain du renseignement français

http://www.telerama.fr/medias/palantir-big-data-renseigne...

Lecture complémentaire :" La confidentialité en ligne pour les journalistes"
(Merci à Jackie pour ce lien)

Illustration : Coloranz d'après Eli Christman et Lemat Work
 

SUR LE MÊME THÈME

La start-up numéro un du big data poursuit son irrésistible ascension. Son co-fondateur, Peter Thiel, est aujourd'hui conseiller numérique de Donald Trump. Quant à sa filiale française, elle vient de signer un contrat de 10 millions d'euros avec la DGSI.

Dans Le Seigneur des anneaux de Tolkien, le palantir est une pierre magique qui permet de voir partout, tout le temps. Une boule de cristal elfique qui offre un pouvoir considérable. Dans le monde des hommes, Palantir est une entreprise qui ambitionne de voir partout, tout le temps. C’est l’une des « licornes » de l’économie numérique, valorisée à 20 milliards de dollars. Juste derrière Uber et Airbnb. Devant Snapchat. Pourtant, son nom n’évoquera rien chez les profanes. Comme ses petits camarades de l’économie californienne, Palantir veut changer le monde. A quelque détails près. Palantir ne conçoit pas de produits vernis de cool destinés au plus grand nombre. Palantir ne vous inonde pas de notifications push. Palantir ne se répand pas dans la presse. Palantir rechigne à être introduit en bourse. Pour faire simple, Palantir veut voir sans être vu.

Sentinelle d'une Amérique traumatisée

Créée en 2004, la start-up est un leader de l’analyse des données, qu’elle croise, compare et « crunche » à l’aide de ses logiciels phares, Gotham et Metropolis. C’est la Rolls-Royce du big data, ce terme à la mode des prospecteurs en pétrole immatériel. Elle a été cofondée par Peter Thiel, grand argentier de la Silicon Valley, désormais conseiller numérique de Donald Trump. Son premier investisseur ? In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la CIA. Dans l’Amérique traumatisée de l’après-11 septembre, Palantir promet de mouliner des gigaoctets de données afin d’anticiper les menaces. Et, pourquoi pas, prédire l’avenir. Aux Etats-Unis, dans un pays qui compte pas moins de dix-sept agences de renseignement et une myriade d'agences fédérales, le marché s’ouvre aussi sûrement que la mer Rouge : de la NSA aux services de police de Los Angeles, les contrats pleuvent.

Pour faire étalage de leurs capacités, les « Palantirians », comme ils se nomment entre eux, offrent des démonstrations grandeur nature. En 2007, une ONG utilise une de leurs solutions maison pour enquêter sur la mort du journaliste Daniel Pearl, exécuté au Pakistan cinq ans plus tôt. Une visualisation plus tard, les vingt-sept individus impliqués dans son enlèvement apparaissent sur un écran. Le rôle de chacun d’entre eux y est détaillé, tout comme ses liens avec les autres. Plus besoin de punaiser des photos floues sur un tableau en liège avec la fébrilité d’une Carrie Mathison : Palantir prend les choses en main. Comme toute grande religion, la nébuleuse entreprise possède ses mythes fondateurs. Le plus connu ? Elle aurait aidé à la traque et à l’élimination d’Oussama Ben Laden. Une rumeur jamais confirmée, jamais infirmée non plus, qui lui garantit une place de choix à la droite du pouvoir régalien.

A la table de Trump

Au fil des ans, la petite start-up devient le plus gros propriétaire terrien de Palo Alto, juste derrière le campus de Stanford, dont le département de sciences informatiques est l’un de ses plus gros pourvoyeurs en méninges. Surtout, elle s’ouvre au secteur privé en lui faisant la danse du ventre : identifiez les menaces internes, optimisez vos résultats, ayez un coup d’avance sur la concurrence. En 2010, elle signe un juteux contrat avec son premier client commercial, la puissante banque JPMorgan. D’autres multinationales suivront, de Coca-Cola à BP. En mai 2016, une enquête de BuzzFeed révèle – documents à l’appui – la santé financière pas si florissante d’une entreprise minée par les départs et les défections de gros comptes dubitatifs. Qu’importe : Palantir continue d’avoir la côte. En six ans, l’entreprise a amassé pour 340 millions de dollars de contrats avec les autorités américaines. Alex Karp, son excentrique patron, est devenu un habitué du forum économique de Davos. Depuis 2011, il a également son rond de serviette aux réunions du groupe Bilderberg, à l’invitation d’Henri de Castries, encore P-DG d’Axa. Un client de… Palantir. Nom de code : Asterix.

Alexander Karp, au centre de Palantir Technologies, Palo Alto, Californie, le 13 mars 2014.

Si Peter Thiel ne se départit jamais de son air compassé, sanglé dans des costumes impeccables qu’il préfère à rayures, Karp est sa parfaite antithèse. Avec ses bouclettes hirsutes et ses vêtements techniques fluo, on l’imagine mieux bivouaquer sur l’Everest que diriger la compagnie chérie des espions. Pourtant, les deux milliardaires se ressemblent à bien des égards. Ils sont nés à neuf jours d'écart, en octobre 1967. Ce sont tous les deux des érudits : Thiel est un spécialiste de la théorie mimétique de René Girard ; Karp a été l’élève de Jürgen Habermas à Francfort. Ils se sont rencontrés sur les bancs de l’université de Stanford et partagent la même vision libertarienne et messianique du monde. Seuls leurs expédients diffèrent : la politique pour Thiel, fervent partisan de l’indépendance de la Californie ; Palantir pour Karp, qui voue sa vie et plus encore à l’entreprise qu’il dirige. En 2013, Forbes dressait le portrait halluciné d’un zigoto qui pourrait être le cousin new age d’Emmett Brown, le professeur foldingue de Retour vers le futur. Suivi comme son ombre par un malabar chargé d’assurer sa sécurité, l’éternel célibataire « s’adresse à ses ouailles à l’aide d’un chaîne vidéo interne appelée KarpTube, où il parle aussi bien d’avidité que d’intégrité ou de marxisme ». Dans son bureau, vingt paires identiques de lunettes de piscine et des kilos de vitamines. « Les seuls moments où je ne pense pas à Palantir, c’est lorsque je nage, que je pratique le qi gong ou que je fais l’amour », concluait celui qui se définit lui-même comme un « déviant », avec un sens évident de la formule.

Les habitudes de moine-soldat finissent par payer. Mi-décembre, Karp était autour de la table à la Trump Tower, quand le président fraîchement élu a reçu le gotha de la « tech ». Bien calé entre Brian Krzanich, le patron d’Intel, et Eric Schmidt, président exécutif d’Alphabet, la holding qui chapeaute Google. A quelques mètres de lui, Peter Thiel avait hérité d’une place privilégiée à la gauche de Trump. La position du souffleur. Deux Palantirians à la sauterie numérique du nouveau locataire de la Maison blanche. Un luxe. Sûrement pas un hasard. Selon The Intercept, Palantir pourrait être l’un des grands bénéficiaires de la nouvelle donne politique outre-Atlantique : depuis 2011, l’entreprise épaule les douanes américaines. A ce titre, elle pourrait être l’instrument de l’expulsion des Mexicains sans-papiers que Trump a promis de chasser du territoire. Et ce n’est pas le seul front. Alors que la future administration rêve à voix haute d’un fichier des musulmans, Alex Karp a récemment été obligé de sortir du bois. « Si on nous le demandait, nous refuserions », a-t-il juré la main sur le coeur.

Première grande réunion entre le président élu Trump et les leaders de l'industrie technologique. Le vice-président Mike Pence et le président élu Donald Trump serrent la main de Peter Thiel à la Trump Tower, le 14 décembre 2016 à New York.

“Un tel niveau de secret est toxique”

Ainsi va le quotidien de Palantir, piégé entre deux injonctions contradictoires : le bon et le mauvais flic. Sur son site, l’entreprise met en avant ses initiatives philanthropiques. Elle explique comment elle a aidé les secours pendant l’ouragan Sandy, pourquoi il faut améliorer le système de santé avec une analyse plus fine des données, et détaille les moyens qu’elle compte mettre en œuvre pour résoudre la crise humanitaire syrienne en cartographiant l’augmentation du prix du pain afin d’identifier les zones de famine potentielles. Rien que du très louable. Mais la start-up se fait beaucoup plus discrète dès qu’il s’agit d’évoquer ses clients institutionnels. Malgré nos sollicitations, nous n’avons jamais obtenu la moindre réponse. Seul Chris Hoofnagle a accepté de nous parler. Professeur de droit à l’université de Berkeley, il siège au Palantir Council of Advisors on Privacy and Civil Liberties (PCAP), un comité d’éthique installé en 2012. « A la différence d’autres entreprises travaillant avec les autorités, Palantir n’a pas attendu qu’on lui demande pour mettre au point des garde-fous, démine-t-il. C’est l’une des rares entreprises à promouvoir la “privacy by design”, c’est à dire le respect de la vie privée dans la conception même des outils. Elle en souffre et prend des coups pour ses concurrents, qui restent muets sur le sujet ». L’échange est intéressant, mais au détour d’un email, Hoofnagle glisse une information utile : il est rémunéré par Palantir pour siéger dans ce comité. Ici, tout est contrôlé, même les bons sentiments.

De quoi faire pester Edin Omanovic, spécialiste des technologies de surveillance pour l’ONG Privacy International, et auteur d'un rapport sur ceux qui les commercialisent. « Palantir est le meilleur avatar de cette nouvelle race d’entreprises qui veulent tirer profit du tour de vis sécuritaire, estime-t-il. Elles prospèrent grâce aux données et à l’information, mais ne veulent rien dire d’elles ou de leurs clients. Un tel niveau de secret est toxique, quel que soit le secteur d’activité. Comment savoir s’il y a des abus ? Comment savoir quelles données sont exploitées, et comment ? Comment savoir si c’est efficace ? Ces questions sont légitimes mais il est impossible d’y répondre. »

« Palantir a pour principe de ne pas répondre à la presse, pour ne pas alimenter davantage les fantasmes, confie encore un haut fonctionnaire qui les connaît bien. Ils ont une culture d’entreprise très différente des prestataires informatiques traditionnels ». Le siège californien de l’entreprise est peut-être surnommé « The Shire » (La Comté, encore un hommage à Tolkien), les conditions de travail sont loin d’être souples. Si vous passez à travers le tamis des six entretiens d’embauche, attendez-vous à des clauses de confidentialité drastiques. « En interne, c’est une véritable muraille de Chine », précise notre source, qui parle de personnels « pétrifiés par le secret défense » et d’ordinateurs « ultra-verrouillés ». Quand on lui demande quelques mots au sujet de son ancien employeur sur un chat sécurisé, un ingénieur répond du tac-au-tac : « Je n’ai rien à vous dire. Bonne chance pour votre article ».

L'espace détente de Palantir Technologies, Paolo Alto, Californie, mars 2014.

Un contrat à 10 millions d'euros avec la DGSI

En mars 2015, quelques semaines après l’attentat contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, Palantir a ouvert une filiale française, sur la très chic avenue Hoche, à quelques centaines de mètres de l'Arc de Triomphe. En toute discrétion, comme à son habitude. Après des mois de démarchages et de tractations, la firme américaine a trouvé un accord avec la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Selon nos informations, recueillies auprès de plusieurs sources au sein des services de renseignement, le contrat aurait été signé à l’été 2016. Montant estimé : 10 millions d’euros. 5% du budget de la DGSI. Auditionné par la commission défense de l’Assemblée nationale en mai dernier, Patrick Calvar, son patron, balisait le terrain en invoquant l’urgence : « Nous ne manquons pas de données ni de métadonnées, mais nous manquons de systèmes pour les analyser [...] Les entreprises françaises qui [les] développent ne sont pas encore capables de répondre à nos besoins, alors que nous devons acquérir ce big data immédiatement. Nos camarades européens sont dans la même situation. Le choix n’a pas encore été fait mais, en tout état de cause, la solution sera temporaire. »

L’appel d’offres, classifié, n’a pas été rendu public, mais plusieurs entreprises, françaises et étrangères, start-ups et multinationales, y ont répondu. Thalès aurait pu obtenir le marché, mais la toute nouvelle plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), est un fiasco doublé d’une très mauvaise publicité. « C’est leur EPR », glisse même avec dépit un membre des services. Alors que la loi renseignement de 2015 a sanctuarisé la souveraineté du renseignement, comment le loup Palantir est-il entré dans la bergerie ? Dans les secousses de l’affaire Snowden, Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale (et pas encore Garde des Sceaux), s’était ému de la curiosité maladive de la NSA : « Les Etats-Unis n’ont pas d’alliés, ils n’ont que des cibles ou des vassaux ». Pas de quoi empêcher le renseignement intérieur français de convoler en justes noces avec le meilleur ami des services américains. Ni tout à fait prestataire technique, ni complètement cabinet de consulting, Palantir a surtout vendu une belle promesse aux services de renseignement français : interconnecter les données collectées par les deux services dits du premier cercle (DGSE et DGSI, ndlr), faciliter leur exploitation et gérer le SAV. Afin de former les agents, des Palantirians sont en train d’être recrutés et déployés à Levallois, tandis qu’un expert venu de la DGSE est chargé d’auditer le nouveau système pour débusquer la moindre porte dérobée.

« C’est juste un prestataire. C’est comme acheter une version personnalisée de Windows 95 », tente de justifier un ancien cadre du renseignement intérieur. « La police est dans le bricolage, la réaction aux événements, au contraire de la DGSE, qui s’équipe depuis 2009. Pour moderniser et professionnaliser les outils, la DGSI a lancé trois plans de recrutement de contractuels. Ce qui la tuait, c’est qu’elle n’avait pas conscience de l’évolution technique. Il y a dix ans, les agents épluchaient encore des fadettes au stabilo. Maintenant que nous collectons en masse les métadonnées sur le territoire national, les entrepôts de données dormantes sont bien plus importants qu’avant et nous avons besoin d’outils pour les traiter. Le défi d’un service de renseignement aujourd’hui, c’est de croiser et d’exploiter du renseignement humain, des sources techniques, pour intervenir le plus en amont possible de la menace ».

Les boîtes noires rêvent-elles de moutons électriques ?

Capable de traquer des marchands de sommeil en analysant la consommation excessive d’eau dans un immeuble, Palantir pourrait matérialiser les rêves mouillés des services. En trente ans, le code pénal a vu apparaître l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste puis, en 2014, le délit d’entreprise terroriste individuelle. L’heure est à l’infiniment petit, et la doctrine privilégie les « signaux faibles » : une vidéo YouTube de l’Etat islamique, une amitié encombrante sur Facebook, un crédit à la consommation suspect. Pour les traquer, la loi renseignement a acté la création de « boîtes noires », soit des outils de détection algorithmique jetés comme des filets dérivants sur les réseaux des opérateurs télécom français. Ceux-ci ne pourront pas intercepter le contenu mais ils captureront les métadonnées. Selon la CNCTR, le gendarme du renseignement, ce dispositif expérimental devrait être déployé au printemps. Fin juillet, la commission de contrôle a transmis à Matignon une délibération classifiée sur son architecture, afin de clarifier les modalités d’accès et de stockage des données. C’est le GIC, le groupement interministériel de contrôle, basé aux Invalides, qui devrait s'occuper de gérer le péage.

« Attention, rendre les réseaux intelligents, c’est menacer les libertés », avertit un expert technique qui a longtemps roulé sa bosse chez un fournisseur d’accès hexagonal. Et si la conception de l’algorithme est la prérogative exclusive des services de l’Etat, Palantir pourrait agir comme un révélateur. « Le logiciel n’est pas une science occulte », pondère un développeur qui a récemment quitté l’entreprise. « C’est une solution utile pour donner du sens à des données disparates, mais il n’y a pas de bouton magique pour trouver les terroristes. Quiconque espérant le contraire sera invariablement déçu. Au bout du compte, les solutions de Palantir s’appuient sur des décisions humaines ». A l’instar d’un opérateur pilotant un drone Predator à des milliers de kilomètres de sa cible, un analyste des services devra-t-il demain, après-demain, évaluer une menace suggérée par une machine ? Interrogé sur les risques de dérapage d’un tel système, notre ancien cadre du renseignement s’en remet à l’expérience et à la perspicacité des agents : « A l’enquêteur de faire le tri ». En statistique, on appelle ça le risque de faux positif. Dans le monde réel, c’est l’arbitraire et l’abus de pouvoir. Risque-t-on de voir une douzaine de CRS casqués perquisitionner le domicile d’un innocent qui aura déclenché l’alarme à son corps défendant ? Sous un état d’urgence prolongé, alors qu’on punit désormais de prison ferme la simple consultation de « sites terroristes », la question se pose plus que jamais. Pas sûr que Palantir offre davantage de réponses.

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25/01/2017

Les nouveaux business de la longévité

Par Florence Pinaud |  25/01/2017, 7:28  |  2475  mots

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/chi...
L'Italienne Emma Morano, qui a fêté ses 117 ans le 29 novembre 2016 (photo), est l'actuelle doyenne de l'humanité. Elle est à ce jour la dernière personne vivante née avant 1900. Le record de longévité est détenue par la Française Jeanne Calment (1875-1997) : 122 ans.L'Italienne Emma Morano, qui a fêté ses 117 ans le 29 novembre 2016 (photo), est l'actuelle doyenne de l'humanité. Elle est à ce jour la dernière personne vivante née avant 1900. Le record de longévité est détenue par la Française Jeanne Calment (1875-1997) : 122 ans. (Crédits : Reuters)L'immortalité a longtemps été considérée comme un sujet ringard. Mais, parce que le vieillissement est la cause de nombreuses pathologies qui coûtent très cher, le sujet, qui est en train de devenir une question de santé publique, est pris de plus en plus au sérieux par les milieux de la recherche scientifique.

  • LES FAITS

Des chercheurs américains viennent d'inverser le vieillissement de souris par thérapie génique, et le premier essai clinique pour mesurer les effets contre le vieillissement d'un médicament antidiabétique ouvre la voie à une nouvelle approche médicale. De plus en plus d'équipes travaillent désormais sur la sénescence, avec le soutien des mouvements transhumanistes de la Silicon Valley.

  • LES ENJEUX

Les pilules de jouvence devraient arriver sur le marché d'ici à dix ans, mais les prometteuses thérapies cellulaires et géniques se feront encore attendre. Et comme elles vont coûter cher, il faudra bien leur trouver un modèle économique.

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Un antidiabétique en guise de pilule de jouvence, une transfusion de sang jeune pour régénérer l'organisme et des chromosomes plus longs pour durer plus longtemps... Les recherches pour ralentir le vieillissement commencent à aboutir. En décembre dernier, des chercheurs du Salk Institute de San Diego ont inversé le processus de vieillissement de souris par manipulation génétique. Cette année, l'autorité de santé américaine a permis la première étude clinique d'une molécule pour lutter non contre une maladie, mais contre notre obsolescence programmée. Menée sur 3.000 patients de 70 ans à 80 ans en bonne santé, l'étude mesure l'effet de la metformine sur leur vieillissement et leur longévité. Après avoir constaté que les patients diabétiques traités par cette molécule vivaient 15% de plus que les non-diabétiques, les chercheurs misent beaucoup sur ce traitement.

Alors qu'il a longtemps été considéré comme un sujet ringard, le vieillissement est de plus en plus pris au sérieux dans les milieux de la recherche scientifique. Si les chercheurs européens refusent d'être associés à des rêves d'immortalité, ils reconnaissent que ce qu'on a longtemps considéré comme l'usure du corps est un phénomène complexe. En France, les membres de la communauté scientifique ont pris conscience de son intérêt, à l'instar de Jean-Marc Lemaître, directeur de recherche à l'Inserm, basé à Montpellier :

"Aujourd'hui, plusieurs équipes travaillent sur la sénescence avec des crédits publics. On sait que ce phénomène déclenche de nombreuses pathologies liées à l'âge, qu'on a du mal à soigner. Avec une population plus âgée, cette sénescence est devenue un véritable problème de santé publique, avec des coûts élevés."

Régénérer le sang des sujets âgés

Dans la course à la longévité, différentes pistes se côtoient. La première sera sans doute la plus rapidement accessible sur le marché : les petites molécules pharma. Certaines existent déjà, comme la metformine, commercialisée sous le nom de Glucophage pour les diabétiques de type II. C'est également le cas de la rapamycine, une molécule issue d'une bactérie découverte sur l'île de Pâques. Commercialisée par Pfizer, contre les rejets de greffe, elle semble également améliorer la longévité des chiens sur lesquels elle a été testée. Mais ses effets secondaires sont encore gênants.

Une autre molécule prometteuse pourrait améliorer la longévité. À son origine, un simple constat : les souris âgées transfusées avec du sang de jeunes rongeurs voient leur organisme régénéré. Le Harvard Institute a isolé la molécule GDF11 présente dans le sang des jeunes souris et qui réduit le nombre de cellules sénescentes chez les plus âgées. Pour Jean-Marc Lemaître, ce type de molécule fera sans doute l'objet du premier médicament anti-âge, dans les prochaines années.

Le risque de traitements hors règlementation (et hors de prix)

Autre médecine régénérative qui fait rêver les transhumanistes, la thérapie cellulaire et les cellules-souches embryonnaires. Déjà, certaines cliniques privées des États-Unis, du Mexique, de Chine ou du Kazakhstan proposent des thérapies aux cellules souches pour restaurer des fonctions vitales abîmées, technique vantée par quelques sportifs américains célèbres.

Si ces traitements hors réglementation coûtent plus de 40.000 dollars, les premiers accidents médicaux commencent à être médiatisés : certains patients développent des tumeurs. Car la thérapie cellulaire est une pratique nouvelle qui nécessite beaucoup de garanties. Les cellules injectées peuvent être les propres cellules-souches du patient, multipliées avant d'être réinjectées. Mais aussi des cellules-souches embryonnaires, prélevées sur des embryons issus d'avortements. Qu'elles soient natives ou embryonnaires, ces cellules nécessitent un traitement spécifique pour savoir se multiplier efficacement sans former des tumeurs. La FDA (Food and Drug Administration) conseille aux patients de s'assurer de la qualité des cellules qui leur sont injectées...

Compétition internationale

En Europe, différentes startups développent des traitements cellulaires pour régénérer des lésions dues à des maladies ou à des accidents. Les projets les plus avancés traitent des maladies neurologiques et ophtalmiques, comme celui de la biotech américaine Ocata Therapeutics qui réduit l'impact de la DMLA sur la rétine avec des cellules-souches embryonnaires.

C'est aussi le cas du pionnier français, l'institut de recherche I-Stem (80 salariés), créé en 2005. Basé sur le Genopole, il développe deux thérapies cellulaires dans le cadre de la rétinite pigmentaire et pour restaurer les ulcères de la peau issus de la drépanocytose (maladie génétique de l'hémoglobine).

« Aujourd'hui, les cellules-souches embryonnaires atteignent le domaine clinique dans différentes applications, se réjouit son directeur Marc Peschanski. Avant d'être injectées, ces cellules sont traitées pour s'adapter au mieux à la fonction vitale dans laquelle elles vont devoir se spécialiser. » En Belgique, la biotech Celyad (85 salariés) a testé un traitement issu de la Mayo Clinic, pour réduire les risques d'insuffisance cardiaque, avec des cellules-souches, mais sans grand succès à l'issue de l'essai clinique phase 3. À Mulhouse, la startup CellProthera (20 salariés) est une pionnière de la thérapie cellulaire. Créée en 2008 autour de ses découvertes sur les cellules-souches sanguines, elle travaille également sur la régénération des muscles cardiaques après infarctus. Avec un essai clinique en phase 2, elle voit son traitement sur le marché occidental en 2020. « Mais Singapour, qui cherche à développer une plateforme d'innovations médicales de pointe, pourrait accélérer le mouvement, précise Philippe Henon, président et directeur scientifique. Le pays nous a proposé d'ouvrir une filiale chez eux et si nos essais de phase 2 sont concluants, les autorités locales pourraient labelliser le traitement pour toute l'Asie du Sud-Est dès 2018. »

En route pour le "Meilleur des mondes" ?

Si la thérapie cellulaire a longtemps promis une vraie révolution, les résultats se font encore attendre. Mais la découverte des cellules IPS - c'est-à-dire rajeunies et transformées en cellules-souches par manipulation génétique - pourrait accélérer le mouvement. « Ce type de thérapie a l'avantage de pouvoir soigner des maladies multifactorielles dont on ne comprenait pas les causes ou dont on ne savait traiter qu'une des causes possibles à la fois, explique Elsy Boglioli, directrice associée au Boston Consulting Group. Avec elles, on pourra réparer les dégâts de manière globale. » Autre piste prometteuse, la thérapie génique s'attaque à de nombreuses maladies de l'âge. L'inventeur même du mot « transhumanisme » n'était-il pas le généticien américain Julian Huxley, frère de l'écrivain de S.F. Aldous Huxley (auteur de Brave New World, « Le Meilleur des mondes »), et promoteur d'un eugénisme démocratique ? Si l'on n'a pas encore identifié les gènes de la longévité, une formule de thérapie génique de jouvence vient d'être testée sur la présidente de la biotech américaine BioViva (voir encadré).

Comme les thérapies cellulaires, ces traitements sont réalisés sur mesure et en période de maîtrise des dépenses de santé, difficile de se montrer très optimiste sur les modalités de prise en charge. « Contrairement aux traitements pharma habituels destinés à tous les patients, nous créons un lot par personne, précise Christian Homsy, de Celyad. Cela revient forcément plus cher et ce coût nécessite des résultats thérapeutiques bien meilleurs pour être justifié. » Pour mesurer leur intérêt économique, de nombreux transhumanistes font valoir que ces innovations retardent l'apparition de complications et de maladies coûteuses. Certes. Mais même si elles arrivent plus tard, ces maladies de l'âge pèseront quand même lourd dans l'enveloppe de soins.

À moins que la période dite « de morbidité » - durant laquelle un patient accumule les problèmes de santé jusqu'à son décès - soit considérablement raccourcie par ce type de thérapie. Et que l'allongement de vie finisse par réduire la facture des maladies liées à l'âge.

Flots de questions éthiques autour de l'humain augmenté

Reste que, dans cette course à l'innovation génétique, les questions d'éthique se posent de plus en plus sérieusement (voir pages suivantes). Et ce n'est pas un mince obstacle. Car lorsque les chercheurs commencent à manipuler l'ADN d'embryons, il y a de quoi s'inquiéter de voir apparaître une nouvelle race d'humains génétiquement modifiés. Surtout quand des fondations privées sont financées par les magnats de la Silicon Valley, comme Methuselah (Mathusalem) sponsorisée par Peter Thiel, fondateur de PayPal, difficile de vérifier ce qui s'y passe. Pour le spécialiste de ces technologies médicales innovantes, Laurent Alexandre (auteur du livre La Mort de la mort), on est encore loin de la médecine transhumaniste qui veut améliorer l'espèce humaine. « Aujourd'hui, les thérapies cellulaires comme les thérapies géniques visent à soigner les patients, pas à les perfectionner, rappelle le président de DNA Vision (actionnaire minoritaire de La Tribune). Il va nous falloir des années d'études pour voir si ces nouveaux traitements allongent vraiment l'espérance de vie sans effets secondaires graves. Mais il n'est pas exclu que d'ici à quelques années, les autorités de tutelle n'acceptent que l'on délivre des molécules comme la metformine à des bien portants pour améliorer leur longévité. Ce serait un phénomène très nouveau dans le monde médical. » Alors que l'espérance de vie des Français est de 82 ans, la course à la très longue longévité, vivre cent ans, reste cependant un mât de cocagne lointain. Pour l'heure, à en croire la majorité de ses promoteurs, il s'agit simplement de gagner des années de vie « en bonne santé » pour que l'opération ait un intérêt. Et d'ailleurs, les transhumanistes reconnaissent que le pari de l'éternité est encore loin d'être gagné.

Pourtant, cela n'empêche pas certains d'y croire et de s'intéresser à la cryogénisation, technique qui consiste à plonger les personnes décédées dans un bain d'azote liquide pour conserver leur organisme en attendant que la science sache les guérir avant de les réanimer dans vingt ans, ou dans deux siècles. Plus de 300 corps sont ainsi conservés par trois entreprises : Alcor et Cryonics Institute aux États-Unis, et par le russe KrioRus. Suivant le service (seulement la tête, ou tout le corps !), les tarifs oscillent entre 25.000 et 190.000 euros. Une pratique illégale en France et totalement interdite avant la mort, puisqu'elle reviendrait à tuer. Mais pour la première fois en novembre dernier, la justice britannique a autorisé la cryogénisation d'une adolescente de 14 ans souffrant d'un cancer en phase terminale, avant son décès. C'était sa dernière volonté, dans l'espoir d'être guérie un jour.

Par Florence Pinaud

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REPERES

  • 10 milliards d'euros, c'est le marché des thérapies géniques en 2018, selon différents cabinets d'études, tels que BDC. Mais le chiffre semble surévalué.
  • 122 ans, telle est la plus grande longévité humaine, atteinte par Jeanne Calment. Aujourd'hui, les doyennes de l'humanité sont une Américaine et une Italienne de 116 ans.
  • 500 ans ? « Si vous me demandez aujourd'hui s'il est possible de vivre jusqu'à
  • 500 ans, la réponse est oui », a affirmé en janvier 2016 Bill Maris, à la tête de Google Ventures, la branche de capital-risque de la firme.
  • 70.000 euros, c'est le prix de la prothèse de bras bionique - soit directement connectée sur les nerfs - fournie au jeune Anglais James Young, en 2012. En France, les développements de prothèses nouvelle génération sont les rétines artificielles réalisées par Pixium Vision, et l'exosquelette « mains libres », développé par Wandercraft.
  • 36 % des actifs de Google Ventures ont été investis dans de jeunes sociétés relevant des sciences de la vie, en 2014. Contre seulement 6% en 2013. F. P.

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ENCADRE

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BioViva "rallonge les chromosomes" pour contrer le vieillissement

CEO de la startup américaine BioViva, Elizabeth Parrish est la « patiente zéro » de la jeune biotech. En septembre 2015, cette entrepreneure de 44 ans a testé deux thérapies géniques expérimentales conçues par sa société.

La première vise à limiter la perte de masse musculaire. La seconde consiste à rallonger les télomères, c'est-à-dire les extrémités des chromosomes par « télomérase », car le raccourcissement des télomères implique le vieillissement cellulaire.

Après son intervention, l'ADN des globules blancs d'Elizabeth Parrish avait allongé d'une taille équivalant à une vingtaine d'années. Depuis ses deux interventions, la patiente zéro est sous surveillance et affirme se sentir en forme. Robert Powles, chef de projet chez BioViva, se montre confiant :

« L'induction de télomérase testée sur des souris améliore leur longévité de 24%, ainsi que leur santé. Nous pensons qu'elle aura les mêmes effets bénéfiques sur les humains. Si les effets de l'inhibition de la myostatine pour limiter les pertes musculaires sont déjà visibles sur Elizabeth Parrish, ceux de la télomérase ne pourront pas être observés avant un bon moment. Il faudra attendre quelques années pour comparer son état de santé à celui d'autres personnes du même âge. » Aujourd'hui, BioViva prépare le lancement d'un essai clinique plus large sur une série de patients sains. Les volontaires ne manquent pas, affirme la biotech basée à Bainbridge Island (Washington). F. P.

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>>Cet article a d'abord été publié dans La Tribune Hebdo n°196 titrée "Vivre 100 ans et plus... en bonne santé ?" et datée du jeudi 19 janvier 2017, jour de distribution de l'édition papier en kiosque et de diffusion de l'édition numérique (pdf).

      > Lire les autres articles du n°196 sur le site latribune.fr

18:09 Publié dans Modernité, Technologies | Lien permanent | | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | |