26/04/2011
Télérama - Vingt-cinq ans après Tchernobyl, quel avenir pour le nucléaire ?
Le 26 avril 2011 à 17h30 - Mis à jour le 27 avril 2011 à 9h58
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Catastrophe au Japon Areva arte documentaire EDF nucléaire Tchernobyl
LE FIL TÉLÉVISION - Tchernobyl, Fukushima, les catastrophes se succèdent sans qu'on n'en tire de leçons. Pour Alain de Halleux, réalisateur du documentaire "Tchernobyl forever", diffusé sur Arte, pro et antinucléaires se rejoignent sur un point : “Il ne faut pas que ça pète.” “Or, ajoute-t-il, à long terme, si l'on ne veut pas que ça pète, le seul moyen, c'est d'en sortir.”
Photo inédite prise à quelques mètres du réacteur par Sacha (Alexandre Kupniy), un des clandestins résistants. © Alexandre Kupniy
« La catastrophe de Fukushima aura de terribles conséquences en Ukraine. »Pendant un an et demi, le réalisateur belge Alain de Halleux a enquêté sur la mémoire et les conséquences de l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl, le 26 avril 1986. Au point d'en devenir l'un des meilleurs experts. Le fruit de ses recherches – et de ses interrogations insatisfaites – s'appelle Tchernobyl forever, diffusé sur Arte ce 26 avril. Un film dense et envoûtant, entrelaçant le passé et le présent, le virtuel et le réel, le visible et l'invisible. A l'heure où le débat sur le nucléaire s'ouvre enfin, son auteur se révèle tout aussi captivant. Scientifique de formation, réalisateur par vocation, il est animé par un réflexe citoyen quand il plonge, voilà cinq ans, dans l'exploration des coulisses de l'atome… pour n'en plus sortir. Aujourd'hui, il tisse des liens entre la technique, le social et le politique ; pointe les correspondances entre Tchernobyl, Fukushima et notre industrie nucléaire.
Si l'Ukraine risque de pâtir de la catastrophe en cours, c'est que le Japon était le premier donateur pour panser les plaies de l'explosion de Tchernobyl. « Le nouveau sarcophage qui devait recouvrir le réacteur numéro 4 ne sera jamais construit, estime Alain de Halleux. Les contributeurs vont se concentrer sur les secours à la centrale de Fukushima. » Quelques jours après, cette prédiction semblait démentie : François Fillon trompétait que la communauté internationale avait récolté plus de 300 millions d'euros supplémentaires… ce qui n'est pas encore suffisant ! Pour le réalisateur, il s'agit surtout de produire un effet d'annonce, au moment où le nucléaire est sur la sellette. Ainsi, ce n'est pas un hasard si Bouygues, Vinci, Areva trustent déjà les marchés des travaux réalisés dans la « zone » de Tchernobyl. « A chaque accident, l'industrie nucléaire essaie de montrer qu'il existe des solutions. C'est la France qui a convaincu le G7 d'annoncer la construction d'un nouveau confinement, à l'occasion du dixième anniversaire de la catastrophe. Il y avait trois avantages : donner du boulot aux entreprises françaises, redorer leur image... et peut-être cacher la misère. » Car personne ne sait ce que renferme le sarcophage d'origine, achevé six mois après l'accident. Le premier rapport soviétique (vite enterré) estima la part du combustible restant dans le réacteur entre 6 %... et 96 % !
« Ce qu'il y a à savoir sur Tchernobyl, c'est qu'on ne sait pas », résume Alain de Halleux. Impossible de dresser un bilan sanitaire. Les études épidémiologiques, d'abord interrompues par le chaos consécutif à l'éclatement de l'Union soviétique, ont ensuite été délaissées par l'OMS (Organisation mondiale de la santé) et l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique). Le pouvoir ukrainien lui-même tient un double discours. « A ses citoyens, il raconte que tout va bien. A l'étranger, il noircit le tableau pour obtenir des fonds… » Les chiffres cités dans le film ont de quoi inquiéter : plus de deux millions de personnes affectées (rien qu'en Ukraine, sans compter la Biélorussie), seulement 10 % des enfants exempts de maladie chronique, une espérance de vie qui aura bientôt chuté de vingt ans... Et la mémoire de la catastrophe se perd, comme le montre Tchernobyl forever.
« Avec le nucléaire, on entre dans le monde de l'invisible, des probabilités, reprend le réalisateur. A Tchernobyl, j'ai ressenti presque physiquement le principe d'incertitude de Heisenberg. » Enoncé en 1927, le théorème du génie allemand de la mécanique quantique a toujours fasciné le réalisateur. « Il postule que, si l'on connaît avec précision la position d'une particule, on ne peut déterminer précisément sa quantité de mouvement. Et vice versa. Il montre donc que la science a ses limites, qu'elle ne peut avoir une vision globale de la matière. » Alain de Halleux se défend de transformer une découverte fondamentale de la physique moderne en concept philosophique. « Mais, quand j'ai approché le réacteur numéro 4, il s'est produit dans mon esprit une collision entre cette équation et ce vieux sarcophage renfermant un mystère, que je voyais comme un sphinx. »
“La science ne propose qu'une interprétation
de la réalité, essentiellement quantitative.
Saisir une caméra m'a paru une bien
meilleure manière de comprendre le monde.”
Le réalisateur était sans doute le mieux placé pour ressentir cette « sorte de choc poétique » : avant de se convertir au cinéma, il étudia la chimie nucléaire pendant quatre ans. « J'étais fasciné par la radioactivité, son invisibilité, son mystère. Puis je me suis rendu compte que la science ne proposait qu'une interprétation de la réalité, essentiellement quantitative. Saisir une caméra m'a paru une bien meilleure manière de comprendre le monde. » A ses débuts, le réalisateur conçoit surtout des films institutionnels pour des sociétés privées. « Ils m'ont permis d'observer de l'intérieur l'émergence de nouvelles organisations du travail, capables de ruiner une solide culture d'entreprise en quelques mois. » Cette connaissance se révèle précieuse quand il réalise RAS, nucléaire : rien à signaler(rediffusé récemment par Arte), une enquête choc sur les intérimaires chargés de la maintenance des centrales, qui prennent 80 % des doses de radioactivité (contre 20 % pour les « statutaires » EDF). Il retrouve dans cette industrie les tendances à l'œuvre dans le reste du monde du travail, et d'abord le développement de la sous-traitance. Coïncidence ? A Fukushima (avant le séisme), à Tchernobyl (parmi les quatre mille personnes qui y travaillent encore), comme dans les centrales françaises, la proportion des « prestataires » est à peu près la même... « Longtemps, EDF fut une organisation pyramidale où prévalait le compagnonnage, les promotions internes. Aujourd'hui sont imposés des organigrammes matriciels qui produisent des exigences contradictoires, intenables pour les salariés. »
Une centrale nucléaire n'est pas une usine de yaourts. Dilution des responsabilités et course à la rentabilité n'y mettent pas seulement en péril les conditions de travail et la santé des intérimaires, mais aussi la sécurité des populations. A l'origine de l'intérêt d'Alain de Halleux pour les zones d'ombre de cette industrie, une brève info entendue à la radio, un jour de 2006 : un réacteur de la centrale de Forsmark, en Suède (même modèle que celui de Fukushima...), était passé à sept minutes de la fusion du cœur. « A sept minutes d'un nouveau Tchernobyl ! Et ça n'émouvait personne ! Je venais d'apprendre qu'il avait fallu plus de six cent mille liquidateurs pour aller "boucher le trou" à Tchernobyl. Je me suis demandé : "Est-ce que j'irais ?" Si je répondais "non", j'étais obligé de m'engager pour que ça ne se produise pas. »
Cette interrogation citoyenne le pousse à concevoir, dans l’urgence, une drolatique websérie de fiction, Antoine Citoyen. Puis à aller voir ce qui se passe dans les centrales de France et de Belgique (où elles sont privatisées) pour réaliser RAS, nucléaire : rien à signaler. Un film parfois jugé pronucléaire. Donnant la parole aux« invisibles qui triment à l'ombre des centrales pour nous fournir de la lumière »,les considérant – à juste titre – comme des héros, il laissait penser que, si le parc de réacteurs était correctement géré et entretenu, le nucléaire serait acceptable. Paradoxe : dans les médias qui le sollicitent depuis la catastrophe de Fukushima, Alain de Halleux est présenté comme un « militant antinucléaire » (Médiapart). « Effectivement, seuls les antinucléaires s'intéressent au sort des travailleurs précaires dans les centrales, s'amuse-t-il. Mais "pro" ou "anti", peu importe, nous pouvons nous accorder sur un point : il ne faut pas que ça pète. Or, à long terme, si l'on ne veut pas que ça pète, le seul moyen, c'est d'en sortir. » Et d'imaginer un scénario de sortie du nucléaire qui produirait « un boom économique. On ferme Fessenheim, que les intérimaires appellent “la centrale de la mort”, puis, dans deux ans, Le Bugey, et les autres, très progressivement. Leur démantèlement nécessitera d'employer au moins tous les gens qui travaillent actuellement dans les centrales. Dans le même temps, on investit dans d'autres modes de production d'énergie, ce qui fera vivre des chercheurs, des PME »...
“Les promoteurs de la filière, pleins de
bonnes intentions, n'avaient pas prévu
que le capitalisme régulé céderait la
place au libéralisme sauvage.”
Utopiste, Alain de Halleux ? Il le revendique... quand il ne cède pas à un accès de pessimisme. « En France, aujourd'hui, il est impossible de démanteler une centrale pour la remplacer par des énergies renouvelables. » L'obstacle est d'abord politique. Le nucléaire est une industrie technocratique, fortement centralisée, un instrument de pouvoir. Pour l'Etat jacobin comme pour les syndicats, le développement du solaire ou de l'éolien représente une menace. Les panneaux solaires, on les installe sur son toit ; les éoliennes, dans son paysage. Et ce sont des PME qui s'en chargent. D'un point de vue économique, un démantèlement au coût exorbitant ne serait pas non plus acceptable par les actionnaires des entreprises du secteur. Cela reviendrait à tuer la poule aux œufs d'or - et donc à faire chuter le cours en Bourse. « L'urgence des urgences est de revenir à la situation d'avant 1995, avant la libéralisation du marché de l'énergie en Europe. Récupérons nos centrales, nationalisons le nucléaire ! » s'enflamme Alain de Halleux, presque nostalgique des années 1970. « L'atome, c'était un beau coup au moment du choc pétrolier. Construire plus de cinquante réacteurs en quinze ans fut un véritable exploit, plus fort que d’aller sur la lune ! Mais les promoteurs de la filière, pleins de bonnes intentions, n'avaient pas prévu que le capitalisme régulé céderait la place au libéralisme sauvage. »
Et si la catastrophe de Fukushima sonnait le glas du capitalisme financier ? Alain de Halleux n'est pas loin de le penser. « Jusqu'ici, tout va bien, les Bourses spéculent sur la reconstruction du Japon. Mais les réacteurs de Fukushima sont comme des braises qui, lentement, continûment, inexorablement, dégagent de la radioactivité. Le pays sera très touché. Quand les investisseurs s'apercevront qu'il est impossible de réhabiliter les régions sinistrées, le capitalisme pourrait bien se retrouver dans le même état que le système soviétique de 1986, caractérisé par l'irresponsabilité et la fragilité économique. » Incompatible avec le libéralisme, l'atome l'est aussi avec la démocratie. « Il n'est viable que dans un système autoritaire. Ou dans une société utopique fondée sur la solidarité et le sacrifice. »Pour preuve, alors que les « volontaires » soviétiques se montrèrent d'une redoutable efficacité pour contenir les effets de l'explosion à Tchernobyl, l'entreprise Tepco, au Japon, peine à recruter des liquidateurs, perd un temps précieux en atermoiements. Ce qui fait dire à notre agitateur : « Le nucléaire, je suis pour. A condition qu'Henri Proglio, pdg d'EDF, s'engage à prendre la pelle et le seau si ça pète. »
“Les gens qui décident de prolonger
l'exploitation des centrales me font
penser aux généraux de la guerre de 1914,
planqués à 50 kilomètres du front.”
Insolent, Alain de Halleux ? Evidemment. Mais il se défend de « profiter » de Fukushima. « Je cherche à donner du sens à cette catastrophe et, surtout, à la souffrance des Japonais. Qu'elle serve au moins à une prise de conscience. »Donner du sens, c'est aussi ce que les industriels de l'atome prétendent faire en intégrant le « retour d'expérience » de Fukushima dans leurs pratiques. Or « ce retour d'expérience nécessiterait de remplacer tous les diesels, désuets, des centrales françaises ; de construire des confinements pour toutes les piscines de refroidissement des réacteurs ; de tirer au sort des liquidateurs parmi les citoyens et de provisionner l'argent nécessaire en cas d'accident. » Bref, de rendre impossible l'exploitation de nos centrales. « Leur technologie date des années 1970, poursuit Alain de Halleux. Certaines pièces ne sont plus fabriquées (notamment pour les diesels de secours), les entreprises ont disparu. Les gens qui décident de prolonger l'exploitation des centrales me font penser aux généraux de la guerre de 1914, planqués à 50 kilomètres du front. Ils raisonnent dans une logique à court terme, névrotique, morbide. » Le Belge compare la France à une camée, incapable de se désintoxiquer de l'atome. « Mais ce sont nos enfants qui ressentiront le manque. Car rien n'a été prévu pour leur fournir de l'énergie. » Et d'appeler à un sursaut citoyen, à l'interpellation de nos représentants politiques. « La France, pays le plus nucléarisé au monde, possède une responsabilité planétaire dans ce domaine. »
Résolument iconoclaste, Alain de Halleux finit par remettre en cause la place centrale qu'occupe l'énergie dans nos sociétés. « L'énergie, en physique, est un concept extrêmement matérialiste, très basique, incomparable avec la richesse et la complexité des sociétés humaines. » Et si le salut venait de la culture ? « On a trop écouté les scientifiques, pas assez les artistes. Le cinéaste Andreï Tarkovski avait vu la "zone" bien avant Tchernobyl, dans Stalker, en 1979. Akira Kurosawa avait vu Fukushima dès 1990, dans Rêves : avec le court métrage Le Mont Fuji en rouge, il imaginait une éruption du volcan qui entraînerait l'explosion de six centrales nucléaires. »
Doux rêveur, grande gueule, anar provocateur, Alain de Halleux est certainement tout cela. « Je ne vois pas d'autre solution qu'une révolution. Pas au sens du "grand soir", mais parce que la sortie du nucléaire nécessite une véritable transformation sociale. » Révolutionnaire, en plus ! N'empêche que les questions qu'il pose, les idées qu'il lance ont le mérite d'aiguillonner la réflexion. Et même de la nourrir d'espoir : l'avenir est entre nos mains. A nous de décider s'il sera nucléaire ou pas.
Samuel Gontier
Télérama n° 3197
A voir
Tchernobyl Forever, mardi 26 avril, 20h40, Arte.
Visible pendant sept jours sur le site d’Arte, où l’on peut aussi (re)voir
RAS, nucléaire : rien à signaler jusqu’au 30 avril.
A lire
Les silences de Tchernobyl. L’avenir contaminé, de Guillaume Grandazzi et François Lemarchand, éd. Autrement, 2006. 300 p., 18 €.
Je suis décontamineur dans le nucléaire, de Claude Dubout, éd. Paulo-Ramand, 2010. 200 p., 22 €.
Le blog Ma zone contrôlée va mal, animé par des intérimaires du nucléaire.
Le site de l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (avec un très bon résumé de la situation à Fukushima).
VOS AVIS (7 COMMENTAIRES)
plinlglrleq - le 27/04/2011 à 22h20
Et bien on continue, où est le problème ? En plus ca fait une petite fete sympa en tenue blanche (un combinaison de peinture et un masque à poussière de chez machin rama) chaque année. Y a plus qu'en rigoler, parce que pleurer ne servira à rien. Avec le pétrole on a plus de chance, les marées noires sont de plus en plus petites sur les écrans TV et on en sortira quand on aura tout brûlé. Parce qu'on aura du pétrole et du charbon bien après l'épuisement de l'uranium. 500 pour le carbone, 100 pour l'uranium. C'est vrai qu'on peut aussi bruler le plutonium pour rallonger le frisson du plaisir.
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Hallucined - le 27/04/2011 à 14h07
Vingt-cinq ans après Tchernobyl, quel avenir pour le nucléaire ? : Fukushima !
Fukushima d'où les informations, malgré les dire des grands communiquants ès Areva, nous parviennent au compte gouttes ...
Alors quel avenir pour le nucléaire ? Réduire notre course à la consommation d'électricité par étapes.
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Emede - le 27/04/2011 à 13h40
Je suis surpris que nos "récupérateurs" en tous genres n'aient pas encore songé à faire du réacteur de Tchernobyl un outil "durable". En effet, il suffirait de couvrir le "sarcophage" de panneaux solaires ou photovoltaïques et le tour serait joué.... Tchernobyl = énergie verte = écologie = économie durable.
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swing246 - le 27/04/2011 à 12h27
je partage totalement l'avis de Alain de Halleux , d'autant que je suis une victime de ce nucléaire. Comment peut-on croire à l'utopie du risque Zéro en ce qui concerne les centrales, certes on a élévé soit-disant le niveau de sécurité des nouvelles centrales (en fait on a rajouté un "étage" supplémentaire sur des bases que Tchernobyl et Fukushima et d'autre incidents)mais comme cette sécurité à un coût on a "booster" le redement de ces nouvelles centrale en utilisant du "mox" un combustible provenant du retraitement des déchets nucléaire dis fois plus radioactif que le combustible utilisés dans les centrales des générations précédentes.. De nos jours apparait sur la construction des nouveaux EPR (Famanville par exemple) des problèmes: vulnérabilité des mécanismes des commandes grappes (système permettant l'arrêt d'urgence du réacteur) -Vulnérabilité des soudure de l'enceinte de ces mécanismes et mauvais qualité de l'acier utilisé (acier veillissant très mal) autant d'élément sur lequel par exemple EDF ne communique jamais? Arrêtons de jouer au apprenti sorcier jamais nous n'arriverons à maitriser totalement l'atome......Merci à Télérama d'avoir eu le courage de passer l'intégralité de cet article.
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mikagaia - le 27/04/2011 à 11h38
Merci à Télérama de relayer ces informations. Merci à Alain de Halleux de s'engager pour faire bouger les consciences et d'aller à contre-courant des idées toutes faites sur le nucléaire, inculquées à force par nos dirigeants successifs et beaucoup de médias. Un article à faire lire à tous les gens qui pensent que le nucléaire c'est dangereux mais qu'on ne peut pas faire autrement. Je trouve extrêmement pertinente la réflexion sur la responsabilité de la France avec ces 50 réacteurs nucléaires qui peuvent à eux seuls ruiner l’Europe et une partie du monde en cas d'accident. Nous sommes, en tant que citoyens français, tous responsables ! Qu'on se le dise.
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jofraud - le 27/04/2011 à 07h15
Sans doute devons nous modifier profondément notre vision du monde et réfléchir à ce "plus de croissance" plus de consommation et plus de débauche d'énergie qui ne peut avec des machine aussi complexes voire trop complexes que mener au désastre.
Entièrement d'accord avec Corto M. Certaines personnes continuent de croire que la science est une religion et défendent l'industrie nucléaire qui n'est finalement pas défendable eu égard aux risques démesurés qu'elle fait prendre au populations.
Joël
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Corto M - le 27/04/2011 à 06h49
La vraie réponse au problème de l'énergie n'est pas d'en produire toujours plus mais de commencer par en consommer moins. On vivait bien sans cette débauche d'énergie, il y a 50 ans.
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21/04/2011
Alain Barrière – Séduction 13
Si la première fois tu ne réussis pas
Il faut essayer une seconde fois
Si la seconde fois tu ne réussis pas
Il faut essayer une troisième fois
De séduire la fille que tu vois déjà
Entrer dans ta vie et se blottir tout contre toi
De séduire la fille que tu vois déjà
Au septième ciel et même au-delà
La quatrième fois si tu ne réussis pas
Il faut essayer une cinquième fois
Et la cinquième fois si tu ne réussis pas
Il faut essayer une sixième fois
Prends-la par la taille, prends-la par le bras
Chantes-lui Mozart et les grands airs de l'opéra
Chantes-lui tes rêves, chantes-lui tes joies
Si ça marche pas, chantes-lui du Sheila
Si la septième fois tu ne réussis pas
Il faut essayer une huitième fois
Si la huitième fois tu ne réussis pas
Il faut essayer une neuvième fois
Car vois-tu les filles, elles sont comme ça
Aujourd'hui ça marche, demain peut être pas
Car vois-tu les filles, c'est aussi comme ça
Aujourd'hui c'est non et demain ça ira
Si la dixième fois tu ne réussis pas
Il faut essayer une onzième fois
Si la onzième fois si tu ne réussis pas
Il faut essayer une douzième fois
Dis-lui des poèmes, si elle aime ça
Cites-lui Verlaine, Apollinaire, Garcia Lorca
Parles-lui peinture et n'hésites pas
Cites-lui Céline et cries Zarathoustra
Si la treizième fois tu ne réussis pas
C'est t'as pas la chance, t'as pas la chance pour toi
Si la treizième fois tu ne réussis pas
Alors là mon vieux, faut limiter les dégâts
Car vois-tu les filles, elle sont comme ça
Il en est encore qui ne se vendent pas
Quand elles sont amoureuses, les filles d'ici-bas
Le Dieu qu'elles vénèrent n'est pas celui qu'on croit
01:16 Publié dans Chanson, Danse, Musique, Vidéo | Lien permanent |
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15/04/2011
Évolution des sociétés humaines
De même que l’hypothèse d’élévation de la température moyenne du globe de plus de 1 à 8° avant la fin du siècle, permet d’anticiper de nombreux bouleversements climatiques, on peut se demander si l’élévation du niveau moyen d’intelligence des humains à la surface de la planète, ne va pas être le facteur principal du bouleversement des fondements de nos sociétés humaines.
J’opposerai cette élévation du niveau moyen d’intelligence des humains à la surface de la planète, à celui d’élites plus concentrées qui dans leur conception ne conçoivent le futur de l’homme qu’à travers le progrès technique, et les fantasmes d’un transhumanisme résultant d’expériences de bricolage du corps humain grandeur nature.
Les idées :
- Plus d’intelligence moyenne, c’est la rationalité des uns s’opposant toujours plus à la rationalité des autres sans que rien ne puisse aider à déterminer quel est le meilleur choix, d’où ce qui s’impose aujourd’hui comme objectif principal de nos sociétés c’est de chercher comment continuer à exercer un contrôle optimal des sociétés prenant en compte toutes ces nouvelles contraintes.
- L'expérience du passé ainsi que des études philosofico-économistes récentes, plaideraient pour que les anciennes valeurs altruistes (compassion, sens de l'honneur, de la responsbilité, du sacrifice ...) soient remises au goût du jour et se généralisent.
- Marcel GAUCHET :
A propos des conséquences de la crise http://gauchet.blogspot.com/ : On peut en effet considérer qu’elle aura eu le bénéfice intellectuel de nous obliger à sortir de tout ce qui, dans les sciences continuent à emprunter à des modèles, au fond, de la causalité physique avec des schémas linéaires de transposition et de contamination de l’économique au social, puis du social au politique. Nous ne sommes plus du tout, en effet, dans cette configuration. C’est un point sur lequel on ne saurait trop insister et, de toutes les manières, nous allons devoir réviser profondément la manière d’articuler ces différents paramètres.
http://philoscience.over-blog.com/article-29474892.html Les mesures de prévention ou de correction nécessaires devraient s’appliquer aux causes « réelles » qui provoquent la crise et non à des causes telles qu’imaginées par les divers acteurs chacun en fonction de leur intérêt
La réussite des droits de l’homme et de l’accroissement des libertés individuelles du fait d’une éducation moins étriquée nuit à l’idée d’un grand projet collectif pour tous et de démocratie.
En préambule de “repenser la démocratie” http://gauchet.blogspot.com/ Marcel GAUCHET observe que la démocratie souffre de la consécration même des principes qui la fondent. Le triomphe des libertés individuelles auquel nous assistons vide de sens l'idée d'une communauté de décision
- Mais le contrôle des sociétés n’a aucune raison d’être centralisé et autoritaire que ce soit à travers un conditionnement social ou un style big brother ou par l’intermédiaire du contrôle de ressources vitales. – Dans les sociétés démocratiques (au sens plus nordique que grec) ce contrôle social passe par 2 démarches complémentaires : Réduire les défiances passées et actuelles, et créer de la confiance en l’avenir en démontant les mécanismes et les façons de les contrôler.
- Dès lors le contrôle des sociétés n’est pas tant un contrôle des individus ou des groupes qu’un contrôle des conditions d’équilibre de ces groupes. C’est une fonction éminemment politique
- Le modèle d’Attali d’une grande gouvernance au niveau Mondial, n’est pas non plus totalement fondé. L’émergence d’organismes particuliers au niveau mondial, comme la FIFA, l’OMC, l’OMS… ne définit que des interfaces spécifiques d’un domaine,laissant d’énormes marges de manœuvres dans des domaines différents mais connexes.
- Le modèle d’établissement de la vérité scientifique peut être un modèle plus adapté, dans la mesure où les bénéfices de cette science ne conduisent pas à des impasses pour l’espèce ou des monopoles permettant l’exploitation des uns par les autres.
- Paradoxalement, alors que l’individualisme croissant semble être source de problèmes, est-ce que la solution à un tel contrôle, ne passerait pas par l’ouverture de nouveaux interfaces entre ces sociétés, pour que l’autorégulation et la coopération priment sur la domination et l’exploitation des plus forts grâce aux ressources qu’ils ont monopolisées ?
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Développer l’empathie, le nouvel El Dorado de la société globale
Au moment où Barak OBAMA, vient de faire flinguer Ben LADIN, Jeremy Rifkin est en France et circule dans nos médias pour faire la promo de son dernier bouquin sur l'empathie. Une construction intéressante, évoquée dans des circonstances peu propices.
Jeremy Rifkin : "Une empathie nouvelle gagne l'humanité"
LE MONDE MAGAZINE | 15.04.11 | 18h36
L'économiste Jeremy Rifkin, également président de la Fondation pour les tendances économiques, le 30 juin 2008.REUTERS/JOHN KOLESIDIS
Chaque essai de Jeremy Rifkin, connu pour ses travaux de prospectives à la tête de sa Fondation pour les tendances économiques, déclenche débats et polémiques dans le monde entier, jusque dans la classe politique, que ce soit aux Etats-Unis (il a conseillé le président Bill Clinton) ou en Europe (l'ex-président de la Commission européenne Romano Prodi a fait appel à lui).
S'il a été critiqué pour ses vues utopistes et parfois catastrophistes, même ses adversaires reconnaissent qu'il fournit une masse de données colossales à l'appui de ses analyses.
Son premier essai, Beyond Beef (Au-delà du bœuf, 1993), a d'abord été attaqué. Jeremy Rifkin y dénonçait la boulimie américaine de viande, l'arrivée de l'obésité, du milliard de bœufs, vaches, veaux, moutons vivant en permanence sur la terre, occupant 20 % des terres cultivées, dévorant un tiers des céréales mondiales, contribuant à l'appauvrissement du tiers-monde et produisant quantité de méthane à effet de serre. Depuis, ses vues ont été corroborées par nombre d'enquêtes.
En 1995, dans La Fin du travail (La Découverte), Jeremy Rifkin poursuit la réflexion ouverte par l'économiste Georges Friedmann sur le "travail en miettes", et annonce que la révolution technologique va mettre fin à un emploi stable et protégé pour tous, comme au rêve d'une société sans chômeurs.
Les solutions qu'il propose ont été très critiquées, et parfois reprises par la gauche européenne : les 35 heures, les travaux d'intérêt général, le renforcement des réseaux d'entraide sociale, le développement des associations, etc.
En 1997, dans Le Siècle biotech (La Découverte), il décrypte les avancées extraordinaires des biotechnologies – thérapie génique, séquençage du génome, prolongation de la vie – et les risques nouveaux qu'elles font courir : risque de pollution irréversible par les OGM, confiscation industrielle du patrimoine génétique, individus catalogués par génotype, etc.
Dans L'Age de l'accès. La Révolution de la nouvelle économie (La Découverte, 2000), il réfléchit sur les conséquences sociales de l'Internet à haut débit, l'extension mondiale de la sphère marchande, la circulation accélérée des produits culturels, la délocalisation du travail grâce à l'"accès" au réseau mondial, et s'interroge : "Existe-t-il encore une différence entre communication, communion et commerce ?"
Le nouveau livre enquête de Jeremy Rifkin sera disponible en librairie le 27 avril.
Aujourd'hui, Jeremy Rifkin propose un nouveau livre enquête, Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Civilisation de l'empathie (Les liens qui libèrent, 656 p., 29 euros), où il explique que l'humanité sort de l'ère amorcée par la révolution industrielle du XXe siècle, symbolisée par notre dépendance à l'énergie nucléaire et fossile, qui nous a menés à la crise écologique actuelle, et par la remise en cause de ses modèles de croissance comme d'une conception égoïste de l'individu.
Pour commencer, qu'est-ce que vous inspire la tragédie nucléaire au Japon?
Jeremy Rifkin : Fukushima sonne le glas d'une époque. L'ère prométhéenne de l'humanité s'achève, qui a débuté avec l'exploitation des houillères, la construction des hauts-fourneaux et des locomotives, quand nous promettions aux peuples la corne d'abondance et défions Dieu lui-même, lui volant notre salut pour le réaliser par nous-mêmes.
C'est ce rêve d'une humanité libérée par l'industrialisation massive, l'exploitation systématique des ressources terrestres, la manipulation de la matière, perpétué avec le nucléaire et ses travaux colossaux, ses spéculations d'ingénieurs et son pouvoir du secret, qui s'effondre.
Cette catastrophe marque la fin du règne des énergies dont l'accaparement a nourri les grands affrontements géopolitiques du siècle dernier, autour de l'accès aux gisements de charbon, pétrole, gaz naturel, uranium.
Des guerres coloniales et néo-coloniales ont été livrées, des gouvernements destitués, des dictatures soutenues ouvertement ou en coulisses, des pays pillés, de nombreuses vies sacrifiées parce que les pays riches rivalisaient pour sécuriser leur approvisionnement énergétique. Ils ont accru considérablement leur niveau de vie, urbanisé la planète et fondé des industries puissantes qui ont fini par bouleverser les manières de vivre de tous.
Mais si, aujourd'hui, les pays du Sud accèdent à une vie meilleure, nous mesurons les effets contre-productifs de la révolution industrielle du XXe siècle.
L'accident nucléaire de Fukushima en est le dernier symbole dramatique.
La troisième grande révolution industrielle et énergétique de l'humanité a déjà commencé, elle se fonde sur le sentiment collectif que nous ne pouvons plus continuer comme avant, s'appuie sur un nouveau sens de la responsabilité écologique, faisant appel à des sources d'énergie renouvelables, et se développe de façon décentralisée : c'est ce que j'appelle la "politique de la biosphère"…
Votre seconde réflexion ?
Nous assistons à une extraordinaire vague de solidarité mondiale, comme nous en avions déjà connu pour le tsunami de décembre 2004 ou le séisme d'Haïti en janvier 2010.
Un puissant sentiment d'inquiétude et d'altruisme soulève des centaines de millions de personnes autour du monde. Ce sont des exemples très forts de la nouvelle réalité empathique qui gagne l'humanité.
Aujourd'hui, un drame collectif, une catastrophe écologique, un accident nucléaire touche chacun d'entre nous. Nous partageons les souffrances des autres, nous nous rendons compte qu'elles sont les nôtres, en nous identifiant à eux.
Comment comprendre une telle empathie ?
- D'abord, nous sommes concernés par ces drames car nous savons qu'ils pourraient aussi bien nous arriver, que ce qui affecte la biosphère là-bas nous affectera bientôt ici. Nous sommes sortis de l'ère égoïste de la fin du XXe siècle, nous nous découvrons tous reliés, interdépendants, comme nous sommes tous associés et menacés par les nuages de particules radioactives qui se dispersent au-dessus du Japon.
- En même temps, comme l'analysait déjà le sociologue canadien Marshall McLuhan, les réseaux de communication (téléphone, médias électroniques) constituent désormais un "village global", nous sommes connectés en permanence aux autres .
Le tissu électronique mondial en quelque sorte"extériorise" notre système nerveux, déploie nos capteurs sensoriels, nos capacités d'écoute tout autour du monde.
Vous voulez dire que l'empathie s'étend au rythme des réseaux sociaux ?
Tous les parents du monde se sont émus devant l'image de cette petite fille terrorisée, entourée d'hommes en combinaison stérilisée, braquant un détecteur de radioactivité sur elle. Une véritable agora électronique se développe, qui permet à des millions de personnes de réagir massivement.
Quand, en décembre 2004, les tsunamis meurtriers ont balayé les côtes asiatiques et est-africaines, des milliers de vidéos ont été tournées, puis mises en ligne. Un blogueur d'Australie a réuni sur son site des dizaines de vidéos amateurs et enregistré 682 366 visiteurs en moins de cinq jours.
Du jour au lendemain, des milliers de blogs ont tissé un réseau d'entraide planétaire permettant de prévenir les familles, de collecter les dons et de monter les missions de secours. La même chose arrive aujourd'hui pour le Japon ou pour la Libye.
Quand les tanks de Kadhafi ont commencé d'écraser la rébellion, le fait de voir ces hommes désarmés, enfin libres, se faire bombarder nous a semblé insoutenable. Nous nous disions que nous ne pouvions pas laisser faire cela. C'est ce sentiment qui a prévalu jusque dans les institutions internationales, quand l'ONU a autorisé une intervention.
Décrivez-nous cette civilisation de l'empathie que vous annoncez…
Pour la première fois dans l'histoire du monde, nous devons faire face à notre possible destruction, et ce n'est pas utopique de dire que nous tendons vers une civilisation globale, gouvernée collectivement, connectée en permanence, devant affronter des dangers communs.
De fait, l'humanité se trouve déjà insérée dans un tissu d'institutions politiques, économiques, humanitaires, environnementales d'envergure planétaire, les Nations unies bien sûr, dont on mesure aujourd'hui l'importance morale dans la crise libyenne, mais encore la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international, l'Union européenne, l'Organisation mondiale de la santé, l'Organisation météorologique mondiale, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat , la Cour pénale internationale et beaucoup d'autres…
Mais cette civilisation interdépendante, où chaque pays apprend à s'écouter et développe des actions d'entraide, se déploie à tous les niveaux de l'activité humaine.
Au moment où je vous parle, 2 500 satellites tournent autour de la Terre, scrutent les mouvements de troupes en Libye, évaluent les dégâts écologiques, repèrent les forêts incendiées, observent les conditions climatiques, font circuler des milliards de documents électroniques pour des milliards de personnes, facilitent les vols de 49 000 avions, aident des dizaines de millions d'automobilistes à parvenir à destination, ou encore surveillent les régimes dictatoriaux et les activités terroristes.
Mais cette mondialisation fait-elle une civilisation ?
A l'heure d'Internet et des réseaux sociaux, des milliards de personnes s'informent, s'éduquent, découvrent comment vivent leurs voisins, tandis que la quasi-totalité des recherches scientifiques, des créations artistiques, des livres, du matériel politique deviennent accessibles. La mondialisation, tant décriée, est d'abord celle de l'accès à la connaissance.
En même temps, le commerce mondial se développe, les pays pauvres entrent dans le marché, présentent leurs produits et déjà concurrencent l'Occident.
N'oublions pas qu'un commerce florissant va de pair avec des échanges pacifiques, et combien la monnaie et les promesses de paiement reposent sur le postulat d'une confiance collective solide entre anonymes.
Aujourd'hui, à chaque minute, des quantités considérables de fruits, légumes, céréales, viandes parviennent tous les jours, frais, comestibles, contrôlés, dans les magasins du monde entier.
Quant à la plupart des biens industriels, automobiles, avions, machines-outils, ils se voient fabriqués avec des milliers de pièces détachées et de composants construits dans des pays parfois très éloignés.
Nous sommes à l'ère de l'objet mondial. Quoi qu'en disent les derniers défenseurs du nationalisme, de l'autarcie économique et du repli sur soi, responsables des affrontements sanglants du XXe siècle, notre interconnexion est totale. Sans celle-ci, les révolutions arabes n'auraient pas eu lieu, et personne ne les soutiendrait…
Comment analysez-vous ces révolutions arabes ?
C'est 1848 au Moyen-Orient ! Les peuples secouent le joug de leurs monarques dans tous ces pays, comme au XIXe siècle en Europe. Grâce à Facebook, à Twitter, aux blogs, les gens apprennent en direct ce qui arrive chez eux comme chez les voisins, ils découvrent la répression et comment y échapper, ils assistent à la chute des dictateurs, et les héros de leur révolution deviennent des martyrs en une heure.
Les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur lors de la révolution tunisienne.
Ici encore, nous assistons à une propagation généralisée de la passion, la révolte, des idées démocratiques comme de l'empathie pour ceux qui se battent et meurent. Ces populations entrent dans ce que j'ai appelé, en 2000, l'"âge de l'accès", elles ne veulent plus végéter en dehors de l'univers des réseaux, elles veulent profiter des informations et des richesses de toutes sortes qu'il propose. Elles veulent participer à la marche du monde, ne plus vivre enfermées sur leur passé comme le voudraient les fondamentalistes…
En France, les diverses droites semblent surtout craindre que ces révoltes amènent une vague massive d'immigrés…
Notre planète se mondialise irrémédiablement ; or un monde cosmopolite et"multiculturel" effraie beaucoup de gens, et génère des réactions d'agressivité certainement peu altruistes. Cela d'autant plus que toutes les grandes villes deviennent des lieux d'intense brassage social et culturel.
L'année 2007 a marqué un moment de bascule dans l'histoire humaine, semblable par son ampleur à l'avènement de l'agriculture. Pour la première fois, la majorité de l'humanité, 3,5 milliards de personnes, vit dans de vastes zones urbaines, villes, banlieues, cités-dortoirs, capitales régionales, mégapoles de plus de dix millions d'habitants.
Nous sommes devenus un Homo urbanus, vivant en contact permanent avec des populations d'origines diverses. Ce mouvement de brassage est irrémédiable, et parfois difficile à vivre pour les gens de souche…
Des études sur les réactions de l'opinion publique à ce nouveau "cosmopolitisme"ont été menées par les équipes d'un sociologue américain, Ronald Inglehart, dans 80 pays. La diversité apparaît toujours comme une menace, analyse-t-il, quand la survie de la population d'accueil, ou d'une partie d'entre elle, s'avère incertaine ou précaire.
Les étrangers sont alors perçus comme des intrus qui risquent de priver les habitants de leur travail, de leur protection sociale, même si la réalité n'est pas celle-là.
Inversement, dès lors que la vie quotidienne et l'emploi ne posent plus problème, la diversité ethnique et culturelle prend une valeur positive, elle est jugée stimulante. Autrement dit, conclut Ronald Inglehart, "la sécurité individuelle accroît l'empathie".
Faut-il en déduire que le nouvel altruisme cosmopolite n'existe que chez les gens aisés ?
Dans les faits, il s'exprime dans les environnements urbains du monde entier, évolue de génération en génération, dépend pour beaucoup des politiques locales. Je le vois bien dans ma propre ville, Washington, avec ses grandes banlieues de Virginie et du Maryland.
En 1960, Washington comptait une importante population noire et une riche communauté blanche, qui s'évitaient. Aujourd'hui, des dizaines de milliers de personnes de toutes origines cohabitent et se mélangent dans les quartiers. Les manières de vivre de chaque communauté – nourriture, vêtements, musiques, etc. – ont profondément transformé les rues, les magasins, la vie culturelle.
Si les premiers venus ont tendance à rester retranchés, leurs enfants et petits-enfants entretiennent des relations beaucoup plus libres avec les autres jeunes. C'est ce qui se passe quand les gens se côtoient quotidiennement à l'école, sur le terrain de sport, les lieux de travail et dans la vie civique.
Peu à peu, et d'abord dans la jeunesse, le contact régulier suscite ce que la sociologue Annick Germain appelle des "cultures de l'hospitalité". Quand les enfants se tiennent par la main pour traverser une rue, les élèves passent leur journée ensemble, jouent au basket le soir en bas de chez eux, ils apprennent à se connaître personnellement, à dépasser les barrières culturelles.
Un géographe canadien a étudié comment une vie cosmopolite se développe dans son quartier de Cedar Cottage, à Vancouver. Des descendants d'anciennes vagues de migration du Royaume-Uni, d'Europe centrale et du Moyen-Orient cohabitent avec des nouveaux arrivants venus de Chine, Taïwan, d'Indonésie.
Il a observé que le jardinage joue un grand rôle dans leur rapprochement. Une bonne partie des conversations de voisinage tourne autour de l'échange de"tuyaux" sur l'entretien des potagers. En important des semences de leur pays d'origine, les nouveaux migrants plantent très concrètement leurs racines culturelles !
Aujourd'hui, Cedar Cottage est devenu un écosystème "microcosmopolite" où l'on trouve des tomates de Calabre, de la menthe du Vietnam, des bok choy de Chine et des fèves du Portugal. Ce faisant, les habitants se parlent davantage, découvrent l'histoire de chacun, si bien qu'une pensée plus altruiste se développe…
Cette civilisation de l'empathie a-t-elle un avenir ?
Je n'en vois pas d'autre. Depuis une vingtaine d'années, une vision neuve de la nature humaine émerge de la biologie et des sciences cognitives. Les dernières découvertes des spécialistes du cerveau et de l'apprentissage chez l'enfant nous obligent à revoir la vieille conception d'un être humain naturellement agressif, égoïste, utilitariste.
Ces recherches montrent que nous sommes des animaux sociaux qui supportons mal la souffrance des autres et la destruction de ce qui vit, réagissons de concert, en vue de l'intérêt général, quand nous sommes menacés.
Le retentissement mondial de la tragédie de Fukushima nous le confirme, de même que la priorité donnée aux enjeux humanitaires, écologiques et énergétiques dans tous les agendas politiques, ou encore le succès extraordinaire des réseaux sociaux de toutes sortes.
Voyez ces chercheurs de l'université d'Oxford, qui ont convaincu 100 000 personnes, dans 150 pays, d'offrir chacun un temps d'ordinateur pour affiner les modèles de prévision climatique. Ils disposent désormais d'une puissance de calcul plusieurs fois supérieure aux ordinateurs les plus rapides…
Les projets de ce type prolifèrent en milieu scientifique, que ce soit pour rechercher des solutions éco-compatibles, identifier de nouvelles structures protéiques, étudier les nanotechnologies ou développer des médicaments.
La "wiki économie", dont Wikipédia reste l'exemple le plus connu, réunit des centaines de milliers de contributeurs.
Pourquoi tant de gens s'associent-ils à ces projets ? L'"altruisme" est la motivation invoquée le plus souvent par les crunchers, les "moulineurs de données", et cette conception coopérative s'accroît.
La "wiki économie", dont Wikipédia reste l'exemple le plus connu, réunit des centaines de milliers de contributeurs qui enrichissent tous les domaines de la connaissance et la recherche, contribuent à créer des logiciels performants comme Linux, etc.
L'Américaine prix Nobel d'économie 2009 Elinor Ostrom nous a appris que seule la coopération des acteurs permet de faire respecter des "biens communs" aussi importants que les ressources maritimes d'un territoire ou ses terres fertiles.
Quant au "pair-à-pair" ou peering, qui fait circuler les innovations dans un collectif, il devient un principe opératoire courant dans les associations humanitaires comme les plus grandes entreprises.
Tous ces modèles économiques reposent sur un postulat diamétralement opposé à la conception libérale orthodoxe d'un homme agissant seulement par intérêt individuel.
Quand on lui en donne l'occasion et les moyens, l'être humain se révèle toujours disposé à collaborer avec les autres dès qu'il s'agit de contribuer à l'intérêt général ou à améliorer l'existence de tous.
Propos recueillis par Frédéric Joignot
Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Civilisation de l'empathie, de Jeremy Rifkin, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Françoise et Paul Chemla(Ed. Les liens qui libèrent, 650 p., 26 euros). En librairie le 27 avril.
Résumé et commentaire de de Pierre BILGER
Dans une première partie, l’auteur tire les nouvelles leçons de l’ancien monde et oppose à la mort lente du rêve américain, la nouvelle terre des grandes promesses et le miracle économique tranquille de l’Europe. Tout est passé au crible, l’emploi, la qualité de la vie, la productivité, la protection sociale, beaucoup d’idées reçues étant détruites au passage : par exemple l’écart des taux de chômage est, dans une large mesure, plus apparent que réel, la productivité du travail n’est pas la plus élevée là où on pourrait le penser…
Dans la deuxième partie, sont recherchées les racines de l’avènement de l’époque moderne de part et d’autre de l’Atlantique à travers l’analyse de la relation à l’espace, la création de l’individu, l’invention de l’idéologie de la propriété et enfin la construction des marchés capitalistes et des Etats-nations.
Arrive enfin la troisième partie, la plus importante et la plus novatrice qui analyse en profondeur les composantes du nouveau modèle européen en n’éludant aucune des difficultés qu’il est en train de surmonter ou auxquelles il devra faire face dans l’avenir.
Comment l’union se forge-t-elle, comment peut fonctionner un gouvernement dépourvu de centre, comment trouver un terrain d’entente entre les droits universels de l’homme et l’identité culturelle locale, le défi démographique qui est la principale menace pour l’avenir de l’Europe pourra-t-il être surmonté et saurons-nous résoudre le dilemme de l’immigration?
Autant de questions qui se posent à l’Europe et auxquelles l’auteur fournit ses réponses.
Sont abordées ensuite les approches nouvelles que l’Europe propose au monde par exemple sur la religion et la citoyenneté, la peine de mort dont Les Américains auraient peine à croire que l’une des conditions d’admission dans l’Union européenne soit son abolition, la gestion de la paix, l’orientation des forces armées, l’environnement et le principe de précaution.
L’auteur conclut sur l’universalisation du rêve européen. L’Europe, écrit-il, est devenue la nouvelle « cité sur la colline ». Le monde entier a les yeux braqués sur cette grandiose expérience de gouvernance transnationale, espérant qu’elle saura lui montrer la voie en ce siècle de globalisation. Le rêve européen, qui fait la part belle à la diversité, à la qualité de la vie, à la durabilité, à l’accomplissement personnel, aux droits universels de l’homme, aux droits de la nature et à la paix exerce un attrait de plus en plus grand sur une génération avide tout à la fois de connexions planétaires et d’insertion locale. Bien qu’il soit trop tôt pour juger de l’avenir des « Etats-Unis d’Europe », une chose est, me semble-t-il, certaine : en un temps où l’espace et le temps s’effacent rapidement et où les identités se superposent et se globalisent, aucune nation ne pourra parcourir seule les vingt-cinq prochaines années. Les Etats européens sont les premiers à comprendre et à réagir aux réalités émergentes d’un monde interconnecté à l’échelle de la planète. D’autres suivront.
Ainsi n'hésite-t-il pas à imaginer, par exemple, que le Canada finisse par rejoindre l'Union européenne, ayant renoncé à devenir une annexe des Etats-Unis. Car, souligne-t-il, après tout, Hawaï et l'Alaska font bien partie des Etats-Unis d'Amérique, alors que leur territoire n'est pas contigu à celui de l'ensemble des autres Etats, intéressante vision à un moment où notre réflexion se concentre notamment sur l'éventualité de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.
Même l’Européen, profondément convaincu et raisonnablement informé que je crois être, est sorti de ce livre avec une vision renouvelée de la portée et de la signification de la construction de l’Europe pour elle-même et pour le monde.
Et je me suis dit que les hommes politiques européens et notamment français qui n’osent plus parler de vision et de rêve à leurs concitoyens devraient faire de l’ouvrage de cet Américain leur livre de chevet.
Ils y réapprendraient à parler, à propos de l’Europe, le langage du cœur et de l’ambition plutôt que celui des intérêts et de la protection, langage dont je suis convaincu qu’il répond à l’attente de beaucoup d’entre nous, y compris ceux qui sont déjà déterminés à voter Oui.
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07/04/2011
Adouber un système pour soi et le bannir pour les autres
A propos de cette pétition "Action des Africains pour l' Afrique" lancée par la diaspora africaine vivant en Europe ou au Etats-Unis, cette réponse d'Hervé membre de cette diaspora, qui nous interroge tous sur notre façon de réagir dans de nombreuses circonstances.
“Désolé mais vous ne sauverez aucune vie, au contraire.
Aucune pétition n'a jamais arrêté des blindés. Tout au mieux soulage t-elle quelques consciences.
Vous incitez des gens mal armés et mal formés à aller se faire massacrer.
Si vous voulez vraiment sauver des vies, il faut aller à Abidjan.
Cette guerre n'a que trop duré. Arrêter de mettre de l'huile sur le feu.
Pourquoi il n'y a qu'en Afrique où les pays stagnent? Ne décollent pas? Ne me parlez pas de colonisation et autre bouc émissaire. L'inde, la chine, la Corée ont bel et bien été colonisées. Aujourd'hui ces pays nous font pâlir d'envie. Voilà le Brésil qui propose son aide au Portugal, l'ancienne puissance coloniale. Alors vraiment, il faut à un moment donné se livrer à une réelle introspection.
Pourquoi toujours rendre les autres responsables de nos défaillances? Vous qui avez fait le choix de vivre en Europe, êtes d'autant plus curieux dans cette schizophrénie jugeant l'occident mieux à titre personnel, mais détestable pour l'Afrique. Nous ne sommes pas à une contradiction près, mais quand même... Adouber un système pour soi, et le bannir pour les autres, vraiment moi j'appelle cela de l'incohérence.
Allez marcher, mais bon je ne pense pas que cela attendrira Sarkozy, Obama ni Ouattara. Gbagbo a cherché l'épreuve de force, et il a perdu. Point. On n'est pas obligé d'être président pour aider son pays. Maudire la France, l'ONU, les US ne changera pas grand chose.”
En contrepartie de ce point de vue intrinsèquement pertinent et des aspects excessifs de la pétition, le point de vue plus souriant mais pas moins révolté de Calixthe BELAYA, notre délicieuse madone africaine de Belleville, et celui de Soro SOLO, fameux journaliste Ivoirien devenu le plus célèbre conteur de l’Afrique moderne sur Radio France :
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